Rivalité, trahison, vengeance sont les ressorts de la lutte fratricide qui oppose aujourd’hui le président Recep Tayyip Erdogan au prédicateur Fethullah Gülen, son ancien allié devenu son pire ennemi. Le combat implacable entre ces deux fervents nationalistes, pieux musulmans, a mis la Turquie sens dessus dessous, comme en témoigne la tentative de putsch survenue le 15 juillet, dont la paternité est aujourd’hui attribuée par Erdogan à l’ancien imam.
Aussi conservateurs et religieux l’un que l’autre, Fethullah Gülen et le président Recep Tayyip Erdogan partagent depuis toujours le même projet d’une réislamisation en profondeur de la Turquie qui, après des décennies de – relative – laïcité républicaine, devrait renouer avec son passé ottoman de leader du monde sunnite.
Fethullah Gülen – dit « hoca effendi » (« respecté maître »), comme l’appellent ses fidèles, insiste davantage sur le dialogue interreligieux et l’ouverture à l’Occident. Imam septuagénaire à la santé fragile et aux prêches doucereux, réfugié depuis 1999 en Pennsylvanie (Etats-Unis), il dirige une confrérie originellement inspirée du soufisme, mais qui est devenue, ces dernières années, un puissant réseau d’influence, un vaste pouvoir occulte. Recep Tayyip Erdogan, tribun aux accents populistes, président et chef charismatique de l’AKP (Parti de la justice et du développement), le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis quatorze ans, a surtout privilégié l’action politique.