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Le Telegramme, le 02/11/2017
avec AFP
Grand ménage parmi les maires de grandes villes de Turquie. Le président Erdogan en a forcé un certain nombre à démissionner afin de regagner en popularité.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a contraint sans ménagement ces dernières semaines plusieurs maires de grandes villes à démissionner, dans l’espoir d’enrayer la baisse de popularité de son parti, l’AKP, à deux ans d’élections cruciales. En l’espace d’un mois, les édiles de quatre grandes municipalités dirigées par l’AKP ont présenté leur démission à la demande de Recep Tayyip Erdogan, payant le prix de la victoire étriquée du président turc lors d’un référendum constitutionnel en avril sur le renforcement de ses pouvoirs.
Ces départs forcés sont le signe que l’AKP (Parti de la justice et du développement) est profondément inquiet de sa baisse de popularité après 15 ans au pouvoir, estiment les analystes. « Ces maires ont été évincés pour de multiples raisons, mais à chaque fois, dans l’objectif de renforcer la position électorale du parti », souligne Ilter Turan, professeur émérite de Sciences politiques à l’Université Bilgi à Istanbul.
« Le parti est perplexe quant aux raisons de l’érosion de son électorat. Sa perte de popularité a été évidente lors du référendum », dit-il à l’AFP. Alors, « le président (Erdogan) essaie de trouver des manières d’inverser la tendance ». Après le référendum du 16 avril, M. Erdogan avait mis sa victoire sans éclat (51,4%) sur le compte d’une insatisfaction populaire envers les élus locaux issus de l’AKP, ajoutant que certains éléments du parti étaient « rouillés ».
« Famille menacée »
Le premier à tomber a été le maire d’Istanbul, capitale économique et culturelle du pays où vit près du quart de la population turque. Sur ordre de Recep Tayyip Erdogan, Kadir Topbas a annoncé sa démission fin septembre, après 13 ans de mandat. Suivant son exemple, Recep Altepe, maire de Bursa (nord-ouest), quatrième ville du pays et important pôle industriel, se retirait quelques semaines plus tard sans faire d’esclandre.
De premiers accrocs sont apparus lorsque le maire d’Ankara fut invité à faire ses cartons. A la tête de la capitale depuis 1994, Melih Gökçek, surtout connu pour ses tweets conspirationnistes, a obtempéré la semaine dernière après des semaines de résistance. Le malaise a enflé lundi lorsque le maire de Balikesir (nord-ouest), Ahmet Edip Ugur, en larmes, a annoncé avoir accepté de démissionner après que sa famille et lui-même eurent été « menacés ». Dans son discours de départ, conclu d’un « Dieu vous garde ! » chevrotant, Ahmet Edip Ugur s’est étonné qu’un maire soit contraint de s’en aller « non par la voie électorale, mais sur un ordre », se demandant si « le mérite n’a pas été remplacé par la loyauté » au sein de l’AKP. Niant toute menace contre Ugur, Erdogan a fait part de sa « tristesse », dans un entretien paru jeudi. Signe de son inconfort, le président turc a sommé un journaliste, qui lui demandait si d’autres démissions étaient prévues, d' »aller voir ailleurs ».
« Dissidence feutrée »
Ce chambardement municipal s’explique principalement par le score meilleur que prévu du « non » au référendum d’avril sur le renforcement des pouvoirs présidentiels. Alors que Recep Tayyip Erdogan prévoyait un plébiscite, le « non » l’avait emporté à Istanbul et Ankara, un choc en raison du poids électoral des deux plus grandes villes de Turquie. Ce résultat inquiète au sein du gouvernement turc, alors que des élections législatives et présidentielle simultanées sont prévues en novembre 2019. Ce scrutin sera précédé, en mars, d’élections municipales qui auront valeur de test.
A cela s’ajoutent d’autres facteurs politiques susceptibles de donner des sueurs froides à Recep Tayyip Erdogan. Le président turc pourrait perdre des voix chez les Kurdes en raison de sa rhétorique enflammée après le référendum d’indépendance du Kurdistan irakien. En outre, l’allié de l’AKP, le parti ultranationaliste MHP, est moribond. Et le récent lancement d’une nouvelle formation par une figure nationaliste, Meral Aksener, constitue une menace supplémentaire.
Dans ce contexte, des observateurs estiment que Recep Tayyip Erodgan pourrait être tenté par des élections anticipées, même si le gouvernement dément. « La situation politique est mauvaise », résume Marc Pierini, analyste à la fondation Carnegie Europe et ex-ambassadeur de l’UE à Ankara. « Il y a une certaine dissidence feutrée au sein de l’AKP » et le parti de Meral Aksener « va grignoter l’électorat de l’AKP et du MHP ». A la lumière de ces éléments, souligne Marc Pierini, le remplacement des maires « est une démonstration de force, mais pas nécessairement une preuve de contrôle ferme ».
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