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Le Figaro, le 12/08/2017
Par Delphine Minoui
REPORTAGE
Les universitaires, qui jouent le Crocodile de Dostoïevski au centre culturel Caddebostan, brandissent à la fin de chaque spectacle une banderole indiquant: «L’université est partout. L’art est partout. La paix est partout». – Crédits photo : ISTANBUL MEDICAL CHAMBER/Istanbul Medical Chamber.
Au cÅ“ur d’Istanbul, un groupe de professeurs, pour la plupart exclus depuis le putsch raté de juillet 2016, a pris le chemin des planches comme ultime forme de résistance.
Ils se faufilent, tout de noir vêtus, jusque sur le devant de la scène. Agrippés à leur texte, le visage traqué par la lumière des spots, ils ont le regard de ceux qui défient la peur avec panache. Pour cette petite dizaine d’universitaires, acteurs d’un soir au centre culturel Caddebostan, au cÅ“ur du quartier Kadiköy, le trac n’est qu’une anecdote. Ils ont connu pire: les purges, les intimidations à répétition, les poursuites judiciaires – et même la prison pour certains. «Le théâtre, c’est un peu notre dernière échappatoire», glisse le professeur Özgür Müftüoglu, au chômage forcé depuis un an, avant de monter sur les planches.
«Ces purges, c’est comme du théâtre. C’est tellement irrationnel !»
Özgür Müftüoglu, professeur au chômage forcé depuis un an
Dans la salle, remplie comme un Å“uf, le public retient son souffle. La pièce qui se donne ce soir-là est une adaptation libre du Crocodile de Dostoïevski. Cette nouvelle inachevée, rédigée dans la Russie du XIXe siècle, raconte l’histoire tragicomique d’un fonctionnaire soudainement avalé par le reptile – et les mille et un efforts engagés pour tenter de le libérer. Le parallèle avec la Turquie d’aujourd’hui, et ses arrestations en série depuis le putsch raté de juillet 2016, est flagrant. Sur chaque fauteuil en velours rouge, un petit dépliant rappelle que le spectacle fut créé pour la première fois en 1960, à la radio, par Halden Taner. À l’époque, l’illustre dramaturge turc entendait protester contre la purge dont il venait de faire l’objet avec une centaine d’autres professeurs pour s’être opposé à la prise du pouvoir par l’armée. «Cette fois-ci, c’est différent car le coup d’État a été déjoué. Mais notre situation est encore plus absurde, avec quelque 50.000 personnes placées en détention préventive et plus de 100.000 fonctionnaires remerciés – dont environ 5.000 professeurs», précise Özgür Müftüoglu pendant l’entracte. «Ces purges, c’est comme du théâtre. C’est tellement irrationnel !», dit-il.
Son cas est exemplaire. À la rentrée de 2016, il apprend par le Journal officiel son éviction de l’université Marmara, où il enseigne l’économie. L’éminent professeur aux cheveux poivre et sel n’a pourtant rien d’un putschiste. Comme tant d’autres enseignants, il lui est simplement reproché d’avoir signé, au début de la même année, une pétition pour la paix, réclamant la fin des combats entre les forces de sécurité turques et les rebelles kurdes du PKK. Aux yeux du gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan, cela en fait un dangereux supporteur du «terrorisme». L’accusation est sévère, passible de lourdes peines de prison. «Soudain, vous vous retrouvez sans travail, au ban de la société, coupé de vos étudiants. Le théâtre nous aide à tenir, il nous occupe l’esprit. Et puis le choix de la scène artistique n’est pas anodin: une façon de résister par la culture, à l’heure où elle est en danger», poursuit-il, inquiet des récentes initiatives d’islamisation des programmes scolaires.
Surgissant des coulisses, un chat se faufile à travers les gradins. Il se frotte à un spectateur, puis s’allonge au pied d’un autre en quémandant des caresses. En Turquie, les félins ont tous les droits – un des nombreux paradoxes de ce pays où la vie d’un homme peut, a contrario, basculer en enfer pour un simple tweet ou un tee-shirt frappé du mot «héros».
«Nous sommes tous, d’une certaine façon, dans le ventre du crocodile.
D’ailleurs, nous ne savons plus trop bien ce qui vaut mieux pour nous : être dedans ou dehors»
Özgür Gündem, accusé de propagande au profit du PKK
«Notre quotidien est surréaliste», confirme Özdemir Aktan, un autre acteur en herbe de ce voyage en Absurdie. Ce chirurgien de renom enseignait lui aussi à l’université Marmara avant d’en être limogé du jour au lendemain. Pour lui, le théâtre est une ultime forme de manifestation quand l’appel de la rue est régulièrement freiné par les barrages de police. Ou par la crainte de finir derrière les barreaux: deux enseignants limogés ont récemment été écroués alors qu’ils menaient une grève de la faim sur une place d’Ankara. «Le théâtre, c’est une nouvelle manière de protester pacifiquement lorsqu’on nous traite comme des criminels», insiste le médecin. Sa seule expérience théâtrale remonte à ses années estudiantines. «Je ne prétends pas être un acteur. Mais l’exercice me plaît», sourit-il. Le metteur en scène Orhan Alkaya, seul professionnel de l’équipe, s’est d’ailleurs adapté à ses aspirants comédiens: les répétitions n’ont duré que quinze jours ; les tirades sont lues au lieu d’être jouées ; le décor est épuré. Au fond de la scène, un écran géant se contente de reproduire leur image: reflet éphémère de leur condition kafkaienne…
Le spectacle reprend. Sur scène, face au micro, l’épouse d’Ivan Matveïtch, le fameux fonctionnaire dévoré par le crocodile, est en émoi. Le rôle d’Elena Ivanovna, femme coquette, est interprété par Sebnem Korur Fincanci. Dans la vie de tous les jours, ce médecin légiste est à l’opposé de son personnage: coupe de cheveux gris à la garçonne, lunettes posées sur un visage dépourvu de maquillage. «J’apprécie ce décalage. Cela m’arrache de mon quotidien. Quand je joue, je m’évade dans un monde de fiction, je me concentre sur mon texte. J’oublie les atrocités de mon pays. C’est apaisant, comme une sorte de thérapie», susurre-t-elle à la fin de la pièce. Sebnem Korur Fincanci n’a pas été limogée de l’université, où elle continue à dispenser des cours. Mais en juin 2016, elle s’est retrouvée dix jours en prison pour sa collaboration au journal prokurde Özgür Gündem, accusé de propagande au profit du PKK. Libérée sous condition, elle fait encore l’objet de poursuites judiciaires. Cette fervente militante des droits de l’homme n’est pas indifférente à la métaphore du texte de Dostoïevski. «Nous sommes tous, d’une certaine façon, dans le ventre du crocodile. D’ailleurs, nous ne savons plus trop bien ce qui vaut mieux pour nous: être dedans ou dehors», grimace-t-elle en aparté.
«On ne s’attendait pas à un tel succès. La solidarité est en marche.
Ça redonne espoir aux militants démocrates»
Sebnem Korur Fincanci
Dans la salle, les applaudissements n’en finissent plus. Malgré l’obscurité, on distingue les visages figés d’émotion, les larmes de compassion, les traces de Rimmel sur les joues des femmes. D’un geste de la main, un acteur invite le public à monter sur scène. Les spectateurs s’entassent sous les projecteurs, attrapant un bout de la banderole qui se déroule sous leurs yeux. «L’université est partout. L’art est partout. La paix est partout», y lit-on en langue turque. Une voix enchaîne en écho: «Les crocodiles finiront par partir. Nous resterons!» Le slogan est aussitôt repris en chÅ“ur. Au-dessus des têtes, quelques doigts s’élèvent en formant un V victorieux. «On ne s’attendait pas à un tel succès. La solidarité est en marche. Ça redonne espoir aux militants démocrates», souffle Sebnem. Les invitations commencent déjà à pleuvoir: en provenance d’Ankara, d’Izmir ou encore d’Adana. «C’est formidable. Une tournée nous aiderait à véhiculer notre message de paix», s’enthousiasme Özdemir Aktan. Mais il reste prudent: «Je ne serais pas surpris si la pièce finissait par être interdite. Dans la Turquie d’aujourd’hui, toute initiative qui dérange a valeur de crime.»
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