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Le Point avec AFP, le 27/01/2018
Le déploiement de l’armée contre une milice kurde va s’étendre « jusqu’à la frontière irakienne », malgré les protestations de la communauté internationale.
Des soldats de l’opération « Rameau d’olivier ».  © Anadolu Agency/ Emin Sansar
Les appels internationaux à la retenue n’y auront rien fait, l’offensive de l’armée turque contre une milice kurde dans le nord de la Syrie, qui entre dans sa deuxième semaine, risque de s’intensifier sous la pression du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a promis d’élargir l’offensive. Des manifestations prokurdes sont prévues samedi à Cologne, en Allemagne, et à  Paris. Vendredi, le chef de l’État turc a promis de lancer ses forces contre la ville de Minbej, où Washington a déployé des troupes, puis de pousser vers l’est « jusqu’à la frontière irakienne ».
L’offensive turque, menée dans la région d’Afrine (nord-ouest de la Syrie), vise les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde considérée comme « terroriste » par Ankara, mais alliée des États-Unis dans la lutte contre le groupe État islamique (EI). Alors que des soldats turcs et des rebelles syriens soutenus par Ankara tentent depuis samedi d’enfoncer les lignes kurdes, l’administration semi-autonome d’Afrine a exhorté, jeudi, le régime de Damas à intervenir pour empêcher les assauts. Cette opération turque a renforcé les tensions déjà vives entre Ankara et Washington, qu’un entretien téléphonique mercredi entre Recep Tayyip Erdogan et le président américain Donald Trump n’a pas permis d’apaiser.
L’enjeu du soutien des États-Unis
Les déclarations de Recep Tayyip Erdogan vendredi risquent de jeter encore de l’huile sur le feu. Minbej, qu’il a promis de « nettoyer », est une ville tenue par les YPG à une centaine de kilomètres à l’est d’Afrine, et où plusieurs centaines de militaires américains sont déployés. Le chef de la diplomatie turque a appelé samedi les États-Unis à retirer « immédiatement » leurs militaires déployés à Minbej. « Il faut qu’ils (les États-Unis) se retirent immédiatement de Minbej », a déclaré Mevlüt Cavusoglu à des journalistes à Antalya (sud de la Turquie).
Dans un nouvel entretien téléphonique, les États-Unis ont « confirmé » à la Turquie qu’ils ne fourniraient plus d’armes à cette milice kurde. Selon la présidence turque, le conseiller à la sécurité nationale du président américain H. R. McMaster et le porte-parole du président turc Ibrahim Kalin se sont entretenus vendredi soir. Lors de cet entretien, d’après le compte rendu de la présidence turque, « il a été confirmé qu’il ne serait plus livré d’armes » à la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG). Par ailleurs, selon Ankara, le responsable turc a « souligné la nécessité de prendre en compte les préoccupations sécuritaires légitimes de la Turquie ».
Confrontation entre la Turquie et les États-Unis ?
Avec les menaces de Recep Tayyip Erdogan contre Minbej, « une confrontation militaire directe entre l’armée turque et les forces américaines est possible », prévient Anthony Skinner, analyste du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft, pour qui les relations entre Ankara et Washington sont « au bord du précipice ». Les profonds désaccords entre la Turquie et les États-Unis sur les YPG empoisonnent depuis plus d’un an les relations entre ces deux alliés au sein de l’Otan.
Lors d’un entretien mercredi avec Recep Tayyip Erdogan, Donald Trump a « exhorté la Turquie à réduire et à limiter ses actions militaires » et a demandé d’éviter « toute action qui risquerait de provoquer un affrontement entre les forces turques et américaines », selon la Maison-Blanche. « Certains nous demandent avec insistance de faire en sorte que cette opération soit courte. […] Attendez, ça ne fait que sept jours ! » a lancé vendredi Recep Tayyip Erdogan. « Nous irons jusqu’au bout », a insisté, vendredi, le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu. « Nous interviendrons contre l’organisation terroriste et nous l’éliminerons, où qu’elle soit », a-t-il ajouté.
Plus de 110 morts
Vendredi, au septième jour de l’offensive turque baptisée « Rameau d’olivier », l’artillerie d’Ankara déployée à la frontière syrienne a repris son pilonnage des positions des YPG à Afrine, selon l’agence de presse étatique Anadolu. « Notre but est de nettoyer la région des terroristes. Nous ne voulons pas de terroristes dans notre pays », déclare à l’Agence France-Presse Ali Yassin, un combattant syrien à Azaz, ville située à 20 kilomètres à l’est de la ville d’Afrine et tenue par des rebelles soutenus par Ankara.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les affrontements ont fait depuis samedi plus de 110 morts dans les deux camps, ainsi que 38 civils, tués pour la plupart dans des bombardements turcs. Si Ankara et les YPG démentent avoir touché des civils, ceux-ci ont été durement touchés depuis le début de l’offensive, selon le constat de correspondants de l’Agence France-Presse de part et d’autre de la frontière. « Les roquettes [turques] ont frappé tous les quartiers, elles ont touché les générateurs et les boulangeries. Il n’y a plus rien », raconte Merhi Hassan, qui a fui avec sa famille la ville de Jandairis, dans la région d’Afrine. Côté turc, plusieurs projectiles tirés à partir de la Syrie ont touché des villes frontalières, notamment Kilis et Reyhanli, faisant au moins quatre morts depuis samedi.
Rapports ambigus avec le régime syrien
De son côté, l’administration semi-autonome d’Afrine, dominée par des groupes kurdes, a appelé le régime de Damas à « faire face à cette agression et à déclarer qu’il ne permettra pas aux avions turcs de survoler l’espace aérien syrien ». Les groupes kurdes syriens, qui contrôlent aujourd’hui les deux tiers de la frontière longue d’environ 900 kilomètres avec la Turquie, entretiennent des rapports ambigus avec le régime syrien, évitant les affrontements. L’opposition syrienne accuse les deux camps de collusion.
Évoquée depuis plusieurs mois, l’intervention turque à Afrine a été précipitée par l’annonce de la création prochaine par la coalition antidjihadiste emmenée par Washington d’une « force frontalière » incluant notamment des YPG. Plusieurs pays, dont l’Allemagne et la France, ainsi que l’Union européenne ont exprimé leur préoccupation face à l’intervention turque qui complique davantage la guerre qui a fait plus de 340 000 morts depuis 2011.
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