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Sputnik France, le 13/07/2019
La première cargaison de missiles antiaériens russes S-400 acquis par la Turquie a été acheminée vendredi 12 juillet vers la base aérienne de Murted, à Ankara. En acquérant ces systèmes de défense, incompatibles avec ceux de l’Otan, le pays s’expose à des sanctions américaines. Un analyste établi à Moscou a commenté la situation pour Sputnik.
Ankara achète à la Russie des systèmes de défense antiaérienne S-400 afin d’assurer son indépendance en cas de coup d’État fomenté par ses propres forces aériennes et n’avait sans doute pas l’intention de les intégrer à d’autres systèmes, comme le craignent notamment les États-Unis. C’est ce qu’a supposé au micro de Sputnik Mark Sleboda, analyste des affaires internationales et de la sécurité, établi à Moscou.
Il a rappelé que les États-Unis avaient cherché à dissuader les Turcs de faire cet achat. Des responsables du Pentagone redoutent que les S-400, fonctionnant sur le même réseau que celui du F-35 Lightning II, n’exposent les faiblesses de cet avion furtif américain à d’autres exploitants de S-400, comme la Russie et la Chine, qui pourraient se retrouver un jour sous le coup d’une frappe aérienne de F-35.
La livraison des F-35 achetés par la Turquie a déjà été annulée, de même que celle d’avions supplémentaires. Aussi, le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est-il tourné vers la Russie et la Chine à la recherche d’un avion furtif, tout en annonçant récemment l’intention d’Ankara d’en produire un.
Les USA n’ont pas à s’inquiéter?
Selon Mark Sleboda, ces craintes de Washington seraient sans fondement, car «la véritable motivation d’Erdogan à acquérir des S-400 russes serait de se prémunir contre une situation où ses propres militaires puissent se retourner contre lui».
«Le S-400 a des capacités que la Turquie n’a pas pour le moment. […] Par ailleurs, le S-400 ne s’intègre pas aux systèmes de l’Otan qui ne pourrait pas non plus l’activer, comme ce fut le cas lors de la guerre du Golfe avec Saddam Hussein, qui avait acheté des systèmes de défense antiaériens français qui avaient tous été arrêtés sur un signal des États-Unis – à distance», a rappelé l’interlocuteur de Sputnik.
Et d’expliquer que si les États-Unis et les autres pays de l’Otan prenaient une position politique contre la Turquie et décidaient d’un changement de pouvoir dans le pays, cela permettrait au Président en place «une défense limitée contre cela».
«Mais, […] l’essentiel du coup d’État militaire en Turquie contre Erdogan qui a échoué il y a plusieurs années [en 2016, ndlr] a été réalisé par l’armée de l’air du pays […] Pilotant des avions de fabrication occidentale, des pilotes turcs ont tenté d’abattre l’avion d’Erdogan dans le ciel, et la défense aérienne turque […] parce que c’était une construction de l’Otan ne fonctionnerait pas contre ces avions. Un système aérien russe fonctionnerait», a estimé l’expert.
Et d’ajouter que l’armée de l’air est l’une des branches les plus occidentalisées des forces armées turques. Elle utilise non seulement plus d’équipements de fabrication occidentale que les autres armées, mais reçoit aussi en grande partie une formation dispensée par les nations occidentales, ce qui est sans doute, selon l’analyste, le plus grand danger politique pour le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.
«Donc, non seulement il est théoriquement possible d’utiliser un système de défense antiaérienne russe contre des pays membres de l’Otan et d’autres pays tels qu’Israël par exemple, armés d’armes américaines, mais il est également possible de l’utiliser en cas d’insurrection impliquant l’armée turque, armée équipée de matériel américain. […]. C’est donc une façon [pour le Président turc, ndlr] de se protéger de ses propres militaires», a résumé l’analyste.
S-400 russes pour la Turquie
Le contrat russo-turc est estimé à plus de 2,1 milliards d’euros. Selon le ministère turc de la Défense nationale, Ankara déploiera les systèmes sur son territoire dès octobre 2019.
Washington a prévenu la Turquie à plusieurs reprises que le contrat conclu avec Moscou pourrait avoir un effet «dévastateur» sur l’achat d’avions de chasse furtifs F-35 à Lockheed Martin. Recep Tayyip Erdogan a également plusieurs fois indiqué qu’il n’avait pas à obtenir de permission de qui que ce soit pour assurer la défense de son pays, soulignant qu’il s’agissait d’«une affaire réglée».
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