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L’Obs, le 22/06/2018
Par Céline Lussato
Ils ne sont plus kurdes, islamistes ou kémalistes. Désormais, ils sont pro ou anti Erdogan, pour ou contre la démocratie. Terriblement clivant, le leader turc exacerbe les tensions.
Les sonos concurrentes des partis politiques plongent les Stambouliotes dans une cacophonie tonitruante et mettent à mal leurs tympans. A la sortie de l’embarcadère, sur la rive asiatique du Bosphore, l’ambiance est apparemment festive. Sous le soleil printanier, chaque parti a installé son kiosque et ses fanions colorés en vue des prochains scrutins.
Le 24 juin, les Turcs renouvelleront leur Parlement et désigneront un président aux pouvoirs considérablement élargis depuis la réforme constitutionnelle de 2017. Mais derrière les couleurs vives et les sourires des militants, deux camps ennemis s’affrontent dans cette campagne, reflet du nouveau visage de la Turquie. Car bien plus que tout autre clivage, qu’il soit religieux, ethnique ou sociétal, c’est ce nom, Recep Tayyip Erdogan, qui déchire désormais la société.
Au moins 60% des voix
A Usküdar, un des trente-neuf districts d’Istanbul, accolé au local d’information de la mairie, le stand du parti au pouvoir a poussé le volume au maximum. Quelques grands-mères agitent des drapeaux arborant le portrait de leur leader bien-aimé. Tracts du Parti de la Justice et du Développement (AKP), affiches, tout y est. Sinan Ayazoglu a 30 ans. Il dirige une sous-section locale du parti. Le jeune homme qui se rêve acteur est impatient à l’idée de défendre son président. « Nous n’avons jamais été plus enthousiastes de toute notre histoire », se vante-t-il. « L’AKP est au pouvoir depuis seize ans, une stabilité bénéfique qu’il faut encore renforcer », martèle avec conviction le militant qui assure que l’AKP et son « reis », son chef, n’obtiendront pas moins de 60% des voix aux prochains scrutins. Il porte aux nues Erdogan, un homme qui « œuvre à la paix dans le monde et défend les opprimés ».
Quant à la coalition d’opposition, « ils ne peuvent rien faire, ils sont tous accusés de complicité de terrorisme, personne ne votera pour eux ». Depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, ces dénonciations calomnieuses sont devenues l’argument clé des tenants du pouvoir en place. Les purges qui ont envoyé plus de 50.000 personnes derrière les barreaux et ont mis au chômage plus de 150.000 fonctionnaires ont touché prioritairement les partisans de Fethullah Gülen, l’imam accusé d’avoir fomenté la tentative de putsch. Puis elles ont muselé à peu près tout ce que la Turquie compte d’opposants ou de voix indépendantes, les uns après les autres.
« Dégager Erdogan »
Alignés le long du quai où les vapur avalent et rejettent toute la journée les milliers de passagers traversant le Bosphore, les stands des anti-Erdogan arborent eux aussi fièrement leurs couleurs. Car les partis d’opposition, surmontant leurs différends profonds, ont réussi à conclure un accord de coalition destiné à « préserver la démocratie ». Entendez, « dégager Erdogan ».
Devant le stand rouge et blanc marqué des lettres Parti républicain du Peuple (CHP), le député du parti kémaliste, Mahmut Tanal, aborde les passants. L’élu dénonce le climat de peur dans lequel se déroulent ces élections. « Même nos électeurs craignent d’être accusés de terrorisme en votant pour nous », réprouve l’élu.
« Je reçois des menaces de mort. En réponse, les autorités m’ont délivré un permis de port d’arme, s’indigne-t-il en sortant une carte de son portefeuille. Mais je n’ai que faire de ce bout de papier, je suis contre les armes à feu ! »L’édile énumère les obstacles auxquels se heurte aujourd’hui l’exercice démocratique : utilisation des moyens de l’Etat pour la campagne, médias aux mains des proches du pouvoir, attaques contre leurs kiosques, emprisonnements, renouvellement pour la septième fois de l’état d’urgence… « L’antidote contre la terreur, c’est les libertés, l’Etat de droit, la démocratie. Ce sont ces valeurs que nous défendons contre la dictature. »
A quelques pas, le ton est tout aussi offensif au stand du nationaliste et très droitier IYI Parti. Mehmet Keskin, président de la section d’Usküdar, ne mâche pas ses mots :
« L’AKP a créé un empire de la peur. La société turque est diverse mais les gens ne vivaient pas en opposition. Aujourd’hui, elle est polarisée entre partisans et adversaires d’Erdogan. »Même le parti islamiste Saadet se bat contre le parti présidentiel. Le candidat à la députation Ali Sariahmet l’affirme :
« On ne veut pas vivre un islam qui nous serait imposé, personne n’a combattu plus que nous pour les libertés et nous continuerons. »
« La polarisation sociologique habituelle a évolué », confirme le journaliste et politologue Ali Bayramoglu. Ville, campagne, Kurdes, Turcs, islamistes, laïques… les repères volent en éclats. « Le mécontentement s’étend jusqu’aux milieux conservateurs éduqués », décrit-il, conseillant de se plonger dans les colonnes du quotidien « Karar » où les voix dissidentes de l’AKP ont trouvé un moyen de s’exprimer. Selon lui, « l’emprisonnement dans les identités culturelles se fissure. Les sondages vont tomber sur la tête ».
Entre #tamam et #devam
En personnifiant le pouvoir à l’extrême, le président a tout fait pour galvaniser ses partisans. Mais il a par-là même enflammé ses détracteurs. Dernière étincelle en date le 8 mai dernier. Lors d’un meeting, le chef de l’Etat lance à la foule :
« C’est ma nation qui m’a porté à […] la présidence. Si un jour ma nation me dit ‘ça suffit’ [tamam], alors je me retirerai. »Immédiatement, les réseaux sociaux s’embrasent, « #tamam » prend la tête des mots-dièses les plus utilisés en Turquie, largement devant le « #devam » (encore) des supporters de l’AKP.
Unir en une coalition formelle des partis d’opposition dont les leaders ne s’adressaient pour ainsi dire pas la parole a en revanche demandé des efforts bien plus importants. Durant plusieurs semaines, des intellectuels de tout bord ont servi de courroies de transmission. Un travail acharné !
C’est finalement ce mot, « tamam », qui les a unis eux aussi. « Nous devons choisir entre la démocratie ou l’oppression, le pluralisme ou l’autoritarisme, le sécularisme ou l’islamisme, un environnement pacifique ou hostile. Voici l’équation. » A la terrasse d’un restaurant chic de Istinye Park, l’économiste Nesrin Nas ne cache pas avoir elle-même noué des contacts ces derniers mois avec des intellectuels de gauche qu’elle n’aurait jamais pensé croiser auparavant. Pour elle, il est urgent de voir plus haut que les simples intérêts partisans. « Je suis heureuse qu’eux aussi l’aient compris. »
Triomphe ou majorité de justesse ?
A l’AKP, on regarde cette coalition avec mépris. « Le peuple est conscient de leurs petits calculs, ils vont droit dans le mur », assure Abdurrahman Dilipak. Cet éditorialiste, idéologue islamiste proche d’Erdogan, ne voit dans l’électorat de l’opposition qu’un ramassis de « gülénistes et membres du PKK », le groupe armé kurde. Il maintient donc son pronostic de victoire aux prochaines élections. Habituellement si sûr de lui, il se garde bien toutefois de prévoir un triomphe, évoquant plutôt une majorité de justesse. A-t-il conscience que la fracture s’étend bien au-delà de la frange politisée de la société ?
Alors que la nuit commence à tomber sur le quartier conservateur de Bagcilar, les familles prennent place tranquillement dans le petit square. Une entreprise de bâtiment locale offre un repas à tous pour l’Iftar, la rupture du jeûne de ramadan. Des employés couvrent les tables de nappes marquées du logo de la municipalité. Ici, les habitants ont plébiscité la réforme constitutionnelle défendue par Recep Tayyip Erdogan lors du référendum l’année dernière. Encore aujourd’hui, le président est encensé pour son ancien mandat de maire d’Istanbul.
Oznur a 65 ans. Elle vit dans ce quartier depuis l’âge de 9 ans. « Il n’y avait pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de transport non plus à l’époque. C’est lui qui nous a tout donné », raconte la grand-mère, repassant le discours traditionnel des défenseurs du président. « Et il continue de développer le pays grâce au nouveau pont sur le Bosphore ou au projet d’un troisième aéroport », poursuit-elle, balayant les accusations portées contre son héros par ses détracteurs :
« Les autres aussi emprisonnaient à l’époque, a-t-on oublié ? »
« Les autres sont pires »
Sur une scène dressée dans le petit parc, le président de la section locale de l’AKP, en campagne, est venu souhaiter un bon mois de ramadan aux familles rassemblées autour de ce repas. Et rappeler l’échéance du 24 juin. Il sera le seul politique à s’exprimer.
Alors que chacun attend le signal du muezzin de la mosquée voisine pour ouvrir son plateau-repas, Melike, 20 ans, affirme qu’elle votera pour Erdogan. « Tous les autres sont pires : les Kurdes du HDP sont des terroristes, les kémalistes du CHP sont antireligieux et interdiront certainement le foulard à l’université. Quant à Saadet, qui se prétend religieux, il s’est allié à eux, ça veut tout dire ! » Pourtant, l’étudiante n’est pas sans nourrir quelques griefs envers le président. Plusieurs de ses connaissances ont été arrêtées « sans raison après le 15 juillet, accusées d’être ‘Fetö' », membres de la confrérie de Fethullah Gülen. Mais les abus d’un pouvoir qui emprisonne sans raison n’ont pas chassé l’aversion de Melike pour le camp adverse.
Au café culturel Nazim Hikmet, dans le secteur branché de Kadiköy, bastion du CHP, les électeurs de l’AKP se font en revanche plutôt rares. Mais, fini le vote d’adhésion, chacun analyse le scrutin à venir avec une seule idée en tête : faire tomber Erdogan. « Nous sommes contre l’AKP car nous souhaitons rester libres », affirme Burak. Cet ingénieur de 28 ans venu boire quelques bières avec un ami ne se sent plus en sécurité dans son pays. N’a-t-il pas demandé notre carte de presse française avant d’accepter de nous parler ? Bien qu’issu d’un milieu « plutôt conservateur et pro-AKP » il votera pour le candidat CHP à la présidentielle :
« Il faut que Muharrem Ince soit face à Erdogan au second tour, car le scrutin se jouera sur le vote des Kurdes. Or ils ne voteront certainement pas pour Aksener. »
Muharrem Ince. (Yasin Akgul/AFP)
La chef de file du « Bon parti », issue de la formation nationaliste MHP, fut ministre de l’Intérieur en 1997 dans un climat de violence dans le Sud-Est à majorité kurde. Difficile, donc, pour ces derniers, de lui donner leur voix. Pourtant, la haine d’Erdogan parvient même à faire oublier à certains ce passé douloureux. Ozgur est élève infirmière. Originaire de Tunceli, qu’elle désigne par son nom kurde « Dersim », la jeune femme de 21 ans, proche du parti pro-kurde HDP, se dit elle aussi prête à un vote « contre-nature » :
« Je voterai pour Aksener au second tour si elle est face à Erdogan. La violence est insupportable dans nos régions. Nous devons l’empêcher de pérenniser son sultanat. »
Meral Aksener. (Chris McGrath/Getty Images Europe/AFP)
Situation sécuritaire, annonces de victoires ou défaites militaires, fraudes… tout peut influer sur le résultat des élections du 24 juin. Mais, que l’AKP obtienne ou non une majorité au Parlement, qu’Erdogan soit confronté ou non à un second tour à la présidentielle, ce sont deux Turquie qui, désormais, se défient.
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