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Le Monde avec AFP, le 12/10/2019
Malgré le tollé international suscité par l’offensive turque en Syrie contre les positions kurdes, Ankara affirme être déterminé à poursuivre les combats.
Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, samedi 12 octobre, à Paris et dans plusieurs autres villes françaises, en soutien aux Kurdes de Syrie, trois jours après le début de l’offensive turque menée contre leurs positions.
En Syrie, où de violents combats se poursuivent dans le nord-est du pays, les forces kurdes ont appelé Washington à « assumer ses responsabilités morales » et à « respecter ses promesses », accusant les Etats-Unis de les avoir abandonnées en retirant leurs troupes déployées dans certains secteurs du nord syrien juste à la frontière avec la Turquie.
Voisine de la Syrie en guerre, la Turquie entend chasser des secteurs frontaliers la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), qu’elle qualifie de « terroriste », et instaurer une « zone de sécurité » de 32 kilomètres de profondeur en territoire syrien pour séparer sa frontière des zones contrôlées par les YPG. Malgré le tollé international et les menaces de sanctions américaines, Ankara s’est dit déterminé à poursuivre son offensive.
Manifestations de soutien aux Kurdes en France et dans plusieurs pays européens
Plusieurs milliers de personnes, dont des personnalités politiques françaises, ont manifesté, samedi 12 octobre, à Paris et dans plusieurs autres villes françaises en soutien aux Kurdes de Syrie et contre l’offensive turque déclenchée contre leurs positions. Dans le capitale, les organisateurs ont estimé la foule « à plus de 20 000 personnes ». « Erdogan, terroriste ! », « Rojava [zone kurde autoproclamée autonome dans le nord-est de la Syrie, NDLR], résistance ! », scandait la foule réunie à l’appel du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Parmi les pancartes brandies par les manifestants à Paris, on pouvait lire « Trump = serial killer » ou encore « La Turquie envahit le Rojava, l’Europe contemple ».
Plusieurs parlementaires français issus de partis de gauche se sont succédé à une tribune pour dénoncer l’offensive turque. « C’est un non-sens historique ce qui se passe au nord-est de la Syrie car ce sont les plus fidèles alliés de la France, ceux qui ont permis la victoire contre Daesh sur le terrain, qui aujourd’hui se retrouvent menacés », a lancé le député Eric Coquerel (La France Insoumise). La sénatrice du parti Europe Ecologie-Les Verts Esther Benbassa a, elle, estimé que la France « devrait aujourd’hui suspendre la vente d’armes » à la Turquie, comme l’Allemagne l’a fait dans la journée (lire ci-dessous).
A Marseille, plusieurs milliers de Kurdes – 6 000 selon les organisateurs de la marche, 1 500 selon la police –, ont descendu la Canebière jusqu’au Vieux-Port contre les frappes turques en Syrie, dénonçant le « dictateur » Erdogan. Des rassemblements ont également eu lieu à Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux ou encore à Lille.
Le soutien aux Kurdes s’est également manifesté dans plusieurs autres pays européens samedi. En Allemagne, des manifestations ont réuni « des milliers de personnes » dans plusieurs villes, selon l’agence de presse DPA, qui a parlé de plus de 10 000 manifestants à Cologne et d’environ 4 000 à Francfort. Des rassemblements similaires ont eu lieu samedi à Chypre, Athènes, Varsovie et Bruxelles.
Les Kurdes de Syrie dénoncent un « coup de couteau dans le dos » de la part des Etats-Unis
« Nous invitons nos alliés à assumer leurs responsabilités morales et à respecter leurs promesses ». C’est en ces termes que les Forces démocratiques syriennes (FDS), l’alliance arabo-kurde qui contrôle de vastes régions dans le nord et le nord-est syrien, se sont adressées à Washington dans un communiqué lu en conférence de presse samedi. Les FDS étaient alliées ces dernières années à la coalition internationale menée par les Etats-Unis dans le combat contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI).
L’offensive de la Turquie intervient alors que depuis plusieurs semaines, Washington et Ankara œuvraient à la mise en place d’une « zone de sécurité » à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Dans le cadre de ce « mécanisme de sécurité », les FDS avaient accepté de retirer leurs fortifications à la frontière, mais à plusieurs reprises, Ankara s’est plaint des retards pris par Washington dans la création de la zone tampon.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Erdogan ! Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ces enfants ? » : à Kamechliyé, les Kurdes syriens dans l’angoisse
« Nos alliés nous avaient garanti leur protection après qu’on a détruit nos tranchées et nos fortifications, explique le communiqué. Mais soudain, sans prévenir, ils nous ont abandonnés avec une décision injuste de retirer leurs troupes de la frontière turque ». « Cette mesure a été une déception majeure, comme un coup de couteau dans le dos », selon le texte. Selon un haut responsable à Washington, entre 50 à 100 membres des forces spéciales américaines ont été éloignés de la frontière pour être transférés vers d’autres bases en Syrie.
A plusieurs reprises, le président américain Donald Trump a menacé d’« anéantir » l’économie de la Turquie en cas d’offensive « injuste ». Dans leur communiqué, les FDS ont estimé que les « condamnations politiques » et « les projets de sanctions économiques contre la Turquie » n’allaient pas faire cesser « les massacres ». « Nous ne voulons pas qu’ils envoient des soldats sur le front pour qu’ils mettent leur vie en danger. Tout ce que nous voulons c’est la fermeture de l’espace aérien face à l’aviation turque », indique le communiqué.
Les forces turques entrent dans une ville clé kurde en Syrie
Sur le terrain, de violents combats continuent. Les forces turques et leurs supplétifs syriens sont entrés samedi dans une ville clé kurde du nord de la Syrie, Ras al-Aïn, frontalière de la Turquie. A Ankara, le ministère de la défense a affirmé que les forces turques avaient capturé Ras Al-Aïn, mais les forces kurdes ont démenti et, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et l’Agence France-Presse (AFP), les forces turques et leurs alliés y sont entrés mais les combats se poursuivent.
Depuis le début de l’assaut mercredi, 74 combattants kurdes et 30 civils ont été tués selon un dernier bilan de l’OSDH, et 100 000 personnes ont été déplacées d’après l’ONU. Ankara a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de dizaines de roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières en Turquie.
L’Allemagne stoppe sa livraison d’armes à la Turquie
Après les Pays-Bas, l’Allemagne a décidé de stopper la livraison à la Turquie d’armes « qui pourraient être utilisées dans le nord-est de la Syrie » contre les Kurdes, a annoncé le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, dans le quotidien Bild à paraître dimanche 13 octobre. Le chef de la diplomatie allemande n’a pas précisé le type d’armements concernés ni leur montant.
La décision n’est pas que symbolique : en 2018, les livraisons d’armes à la Turquie ont représenté, avec 242,8 millions d’euros, près d’un tiers des exportations allemandes d’armes de guerre (770,8 millions d’euros). Au cours des quatre premiers mois de 2019, le montant des ventes en direction de la Turquie a atteint 184,1 millions d’euros. La Turquie est ainsi le premier client, au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), d’armements allemands.
Comme nombre de pays européens, l’Allemagne a condamné fermement l’offensive turque contre les Kurdes en Syrie, susceptible selon elle de « déstabiliser davantage la région et de provoquer une résurgence » de l’EI. Mais, malgré le tollé international et les menaces de sanctions américaines, la Turquie s’est dit déterminée à poursuivre son offensive.
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