Tout a commencé lundi, lorsque le président Recep Tayyip Erdogan a appelé ses ressortissants ainsi que tous les musulmans à se rendre «aussi souvent que possible» sur l’esplanade des Mosquées, l’un des principaux lieux saints de l’islam situé dans la partie arabe de Jérusalem conquise en juin 1967 par l’armée israélienne (guerre des Six Jours) avant d’être annexée quelques semaines plus tard.

 

Erdogan s’exprimait en présence du Premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, dans le cadre d’un forum international sur Al-Quds (Jérusalem) organisé à Istanbul. Il a, entre autres, dénoncé les «crimes» d’Israël et estimé que chaque jour d’occupation de la ville sainte «est une insulte». En outre, il a appelé les musulmans à «protéger Jérusalem de la judaïsation» et dénoncé le projet de loi israélien sur les muezzins, qui obligera, lorsque la procédure de vote sera achevée par la Knesset, les mosquées à baisser durant la nuit le son des haut-parleurs installés sur les minarets. «Pourquoi les Israéliens ont-ils peur d’un appel à la prière ? a-t-il interrogé. Sont-ils si peu sûrs d’eux-mêmes ?»

«Autoritarisme» et l’«imprévisibilité»

A deux semaines du «Yom Yeroushalayim», la commémoration israélienne des cinquante ans de la «libération et de la réunification comme capitale d’Israël pour les siècles des siècles», les propos du président turc ont secoué les dirigeants de l’Etat hébreu. Benyamin Nétanyahou, qui est également le ministre des Affaires étrangères de son pays, a réagi au quart de tour en faisant diffuser une réponse. «Ceux qui violent systématiquement les droits de l’homme dans leur propre pays ne devraient pas donner des leçons à la seule vraie démocratie de la région», a ainsi déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon.

 

Dans la foulée, plusieurs ministres, tel que Ayoub Kara (Likoud), et députés ont dénoncé l’«autoritarisme» et l’«imprévisibilité» du leader turc. Quant à l’ancien numéro 2 du Mossad Amiram Levin, il a déclaré qu’«Erdogan est un pleutre beaucoup moins fort que ce que l’on croit […]. Un homme qu’Israël pourrait faire taire facilement s’il avait une politique étrangère digne de ce nom».

 

«Sa réponse a été entendue»

Faut-il y voir les prémices d’une nouvelle crise semblable à celle qui avait opposé les deux pays à partir de l’été 2010, au lendemain de l’abordage musclé d’un bateau turc qui tentait de forcer le blocus de la bande de Gaza (qui avait fait 9 morts) ? A Jérusalem, l’entourage de Nétanyahou proclame, en tout cas, qu’Israël n’est pas intéressé par une dégradation de la situation. Certes, l’ambassadeur turc a été convoqué mardi matin par le ministère israélien des Affaires étrangères. Mais pour s’entendre dire, entre autres, que l’affaire en resterait là aux yeux de l’Etat hébreu «puisque sa réponse a été entendue».

 

Les commentateurs et les éditorialistes de la presse israélienne sont, eux, moins optimistes. Ils sont en effet persuadés qu’Erdogan va multiplier les saillies anti-israéliennes, auxquelles Nétanyahou devra répondre afin de conforter l’image de leader intransigeant du monde musulman dont il cherche à se parer.