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Les Echos, le 14/08/2018
MILAN, 14 août (Reuters) – BNP Paribas figure parmi les cinq banques européennes les plus exposées à la Turquie, dont la brutale accélération de la chute de la devise a suscité une poussée d’aversion au risque dans le monde entier.
Après avoir touché un plancher sans précédent de 7,24 par dollar lundi, la livre turque a regagné un peu de terrain après l’annonce par la banque centrale du pays de mesures de soutien à la liquidité.
Vers 14h20 GMT mardi, elle se traitait à 6,52 par dollar . Mais, malgré ce gain de près de 5,5%, la devise reste en recul de plus de 40% face au billet vert depuis le début de l’année.
Les analystes financiers estiment que les cinq banques européennes les plus exposées au marché turc auraient les moyens de faire face au pire des scénarios – jugé hautement improbable à ce stade -, à savoir celui qui les verrait contraintes de déprécier l’intégralité de leurs activités dans le pays, voire de le quitter.
Mais, malgré l’accalmie observée mardi, les investisseurs redoutent une poursuite de la crise de la devise turque, voire une contagion à d’autres pays émergents, comme le Mexique, l’Argentine ou encore l’Afrique du Sud, voire à l’Italie, dont les orientations budgétaires suscitent toujours l’inquiétude.
En termes d’impact potentiel de la crise de la livre turque sur les fonds propres, la banque espagnole BBVA est considérée comme la plus exposée, suivie de l’italienne UniCredit, de la néerlandaise ING, de BNP Paribas et de la britannique HSBC.
Depuis le début du mois d’août, le titre BBVA n’a connu qu’une seule séance de hausse et elle accuse sur la période une chute de 14%, contre une baisse de 5,7% de l’indice sectoriel Stoxx sur la période.
UniCredit a plongé de 13,6% depuis le 31 juillet, ING de 10,4%, BNP Paribas a baissé de 7,2% et HSBC de 2,1%.
Voici, dans le détail, l’exposition des cinq banques à la Turquie :
BBVA
Après avoir augmenté sa participation en février 2017, la banque espagnole contrôle 49,9% de Garanti, la deuxième banque turque en termes d’actifs avec un total de bilan de 84 milliards de dollars (73,8 milliards d’euros) fin juin.
Garanti, dont la valeur comptable est de 4,4 milliards d’euros pour BBVA, génère environ 13% des résultats de la deuxième banque espagnole, selon les calculs de Deutsche Bank, qui estime que le pire des scénarios en Turquie pourrait amputer les fonds propres de BBVA de 12%.
Les analystes de JPMorgan Cazeneuve ont dit vendredi avoir réduit de quelque 6% leurs prévisions de bénéfice par action pour BBVA en 2019 et 2020 afin de tenir compte d’une poursuite de la dépréciation de la livre turque et d’une hausse des pertes sur créances en Turquie du fait du ralentissement de la croissance du pays.
BBVA s’est dit à l’aise avec sa participation dans Garanti, ajoutant avoir accumulé beaucoup d’expérience dans la gestion d’activités dans des pays émergents volatils, évoquant à ce titre un modèle qui rend chaque filiale entièrement responsable de ses fonds propres et de la gestion de ses liquidités, une organisation qui empêche selon elle des transferts de liquidités de la maison mère aux filiales ou des transferts entre filiales.
Le groupe espagnol a ajouté avoir été prudent dans sa politique de couverture de changes afin de limiter la volatilité de ses ratios de fonds propres et d’endiguer tout impact des effets de changes sur ses résultats.
La banque a ajouté qu’une chute de 10% de la valeur de la livre turque amputait de deux points de base son ratio de fonds « core ».
UNICREDIT
La première banque italienne détient environ 40% de Yapi Kredi, la quatrième banque turque, via une coentreprise locale.
L’administrateur délégué d’UniCredit, Jean-Pierre Mustier, a dit la semaine dernière que la banque valorisait cette participation à environ 2,5 milliards d’euros dans ses comptes. Selon les estimations de Berenberg, les financements internes au groupe se montent à 2,2 milliards d’euros.
Au cours de Bourse actuel de Yapi Kredi, la part d’UniCredit vaut un peu moins de 800 millions d’euros mais Jean-Pierre Mustier a exclu toute dépréciation, soulignant que les activités de cette division se portaient très bien et que la banque italienne avait déjà pris en compte un effet de change négatif.
JPMorgan Cazeneuve estime que le ratio de capital d’UniCredit pourrait augmenter de 59 points de base en cas de dépréciation de cet actif, du fait de la diminution du poids des actifs pondérés des risques qu’entraînerait une telle décision.
En raison de la situation en Turquie, le courtier a abaissé sa prévision de bénéfice par action pour UniCredit d’environ 3% pour les années 2019 et 2020.
UniCredit précise que Yapi Kredi représente environ 2% du produit net bancaire (PNB) global du groupe et qu’une chute de 10% de la valeur de la livre amputerait de deux points de base à son ratio de capital « core ».
ING
L’établissement financier néerlandais possède en Turquie une filiale détenue à 100%, ING Turkey.
Deutsche Bank estime que le pire des scénarios dans le pays se traduirait par une diminution de 4% de la valeur comptable d’ING, en raison de la perte aussi bien de fonds propres que des financements internes au groupe.
Du fait de l’exposition d’ING à ces financements internes, JPMorgan Cazenove estime que le ratio de capital « core » de la banque pourrait être amputé de 87 points de base en cas de scénario extrême.
ING n’a pas souhaité répondre à une demande de commentaire.
BNP PARIBAS
La première banque française possède 72% d’Economy Bank of Turkey (TEB), une des 10 premières banques turques, en partie via une coentreprise locale.
Selon les analystes de Deutsche Bank, la Turquie contribue à hauteur de 2,5% au bénéfice imposable de BNP Paribas. Dans le pire des scénarios, la banque verrait sa valeur comptable nette diminuer de 1,7%, ajoutent-ils.
La semaine dernière, BNP Paribas a dit avoir une exposition « très limitée » à la Turquie, le pays ne représentant qu’environ 2% de ses prêts.
Une personne proche du dossier a dit que TEB était financée par des dépôts et des fonds propres pour l’essentiel turcs, et souligné qu’il s’agissait d’un établissement bien géré dégageant des bénéfices solides.
HSBC
Deutsche Bank estime que le groupe britannique, qui dispose d’une filiale en Turquie, pourrait perdre 400 millions de dollars, soit 0,3% du total de l’ensemble de ses fonds propres du groupe, en cas de scénario extrême. Une porte-parole de HSBC a refusé de donner suite à une demande de commentaire. (Valentina Za à Milan, Andres Gonzalez Estebaran à Madrid, Inti Landauro à Paris, Toby Sterling à Amsterdam et Lawrence White à Londres, Benoit Van Overstraeten pour le service français, édité par Marc Angrand)
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