L’étrange comportement du maître espion d’Erdogan
Le Monde, le 28/07/2016
Par Marc Semo (Ankara, envoyé spécial)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan (à gauche), avec le chef du MIT, Hakan Fidan, à Ankara le 22 juillet 2016. KAYHAN OZER / AFP
Le patron du MIT, les puissants services de renseignement turcs, est sur la sellette. Mis en cause pour les évidentes failles de ses services face à la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, Hakan Fidan, homme lige du président Recep Tayyip Erdogan, n’en reste pas moins pour le moment dans ses fonctions. « Vous avez raté l’examen », lui aurait dit le chef de l’Etat, qui l’a reçu une semaine après le putsch. Mais il a refusé sa démission. « On ne change pas de cheval au milieu du gué », a expliqué l’homme fort d’Ankara dans un entretien à France 24.
Le comportement de M. Fidan – si l’on en croit la version officielle – a été pour le moins étrange. Alerté de l’imminence du  » coup « , notamment par une  » activité anormale  » sur plusieurs bases aériennes, il informe le 15 juillet à 16 heures le chef d’état-major, Hulusi Akar, mais pas les autorités civiles.  » J’ai appris la nouvelle par mon beau-frère à 20 heures « , a raconté -Recep Tayyip Erdogan, qui était en vacances à Marmaris (Sud-Ouest). Le premier ministre Binali Yildirim a déclaré avoir été informé de la tentative de putsch, peu après son déclenchement, par  » nos gardes du corps et nos concitoyens, par nos compagnes et nos amis « .
 » Le gardien de mes secrets «Â
Cette version des faits est peu vraisemblable. En disant n’avoir tout appris qu’après, M. Erdogan veut-il se dédouaner de son incapacité à bloquer les putschistes et en rendre l’armée responsable ? C’est une hypothèse parmi d’autres, alors que les spéculations vont bon train et que nombre de ténors du Parti de la justice et du développement (AKP) dénoncent  » une faiblesse dans la chaîne du renseignement « .
Fidèle d’entre les fidèles du leader charismatique de l’AKP, Hakan Fidan, simple sous-officier, lui doit toute sa carrière. Auteur d’une thèse sur la politique énergétique de l’Iran, devenu un des conseillers de M. Erdogan puis son homme de confiance, il est propulsé en 2010 à la tête du MIT.  » Il est ma boîte noire, il est le gardien de mes secrets, le gardien des secrets de l’Etat « , avait affirmé, il y a quatre ans, Recep Tayyip Erdogan, qui avait refusé au printemps 2015 qu’il quitte la direction des services pour se présenter comme député.
Hakan Fidan est en effet au cÅ“ur des dossiers les plus sensibles, notamment la politique syrienne, dont il rend compte directement au chef de l’Etat. Il a surtout été, ces dernières années, l’intermédiaire du président pour l’ouverture de négociations de paix avec la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan, et il a établi des relations de confiance avec son chef emprisonné, Abdullah Ocalan, qui, dans ses messages, ne tarit pas d’éloges à son égard.
♦
Lire aussi
- Courage, fuyons Plutôt que de respecter les règles, Meta suspend son réseau social Threads en Turquie
- Turquie : Les derniers passagers coincés dans un téléphérique ont été secourus
- Turquie : un accident de téléphérique fait un mort et dix blessés
- Turquie: des mesures face à la hausse des dépenses à crédit et à l’endettement
- Football: en Turquie, la Var confiée à des arbitres étrangers dans les matchs «à forts enjeux»