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Le Monde, le 04/09/2020
Par Alexandre Duyck
PORTRAIT
La discrète doctorante turque était plus que la « fiancée » du journaliste saoudien, assassiné le 2 octobre 2018. Le couple s’était déjà dit oui religieusement. Depuis, elle se bat pour que la responsabilité du prince Mohammed Ben Salman, soupçonné d’être le commanditaire du supplice de son mari, soit mise au jour.
Il lui a dit simplement : « Attends-moi là, ce ne sera pas long. » Le 2 octobre 2018, Hatice Cengiz accompagne son compagnon Jamal Khashoggi jusqu’à la porte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul pour y récupérer un document administratif. Le journaliste saoudien avait bien essayé auparavant de se le faire envoyer par e-mail. Mais, au téléphone, les employés du consulat, très aimables, s’étaient excusés : trop compliqué, qu’il vienne lui-même, le 2 octobre, retirer le bout de papier, ça ne prendra que quelques minutes et tout ira bien.
Des images de vidéo surveillance ont filmé la suite. Bientôt trois heures que Jamal Khashoggi est entré dans le consulat. A l’extérieur, Hatice Cengiz fait les cent pas. La jeune femme turque interroge des fonctionnaires qui quittent le bâtiment, des policiers turcs de faction. Bientôt, l’incompréhension cède à la panique. Personne ne sait rien, personne n’a rien vu. Le consulat ferme ses portes. Une heure plus tard, elle interroge un employé saoudien qui en sort. Elle explique qui elle est, le type blêmit. « Et là, se souvient-elle, j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose de grave. »
Aussitôt, Hatice Cengiz appelle Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ONG américaine Human Rights Watch. Jamal Khashoggi le lui avait recommandé, en cas de gros souci. Collaborateur régulier du Washington Post, le journaliste fustigeait la dérive absolutiste prise par la monarchie saoudienne sous l’impulsion du prince héritier Mohammed Ben Salman. « Je lui ai demandé de ne surtout pas bouger et d’appeler la police, ce qu’elle a fait, se souvient la chercheuse américaine. Je pensais qu’ils retenaient Jamal et que, à un moment, ils allaient sortir du consulat pour le ramener en Arabie saoudite. Jamais je n’aurais pensé à une chose pareille. » Quand la police arrive, elle ne trouve rien ni personne. Hatice Cengiz rentre chez elle, seule, morte d’inquiétude. Elle l’ignore alors, mais son compagnon, Jamal Khashoggi, a été étranglé puis démembré à l’intérieur du consulat par le commando de quinze tueurs qui l’y attendait. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Le secret de leur mariage religieux
Hatice Cengiz nous reçoit à l’Hôtel Marriott d’Istanbul, dans un petit salon discret. Très élégante dans son chemisier blanc et son pantalon de toile légère aux motifs fleuris, elle est coiffée religieusement et arbore à son arrivée un voile pourpre couvrant ses cheveux et une partie de son visage. Elle partageait avec Khashoggi, qui avait défendu les Frères musulmans, une vision traditionnelle de l’islam. Avant de s’installer, elle regarde furtivement autour d’elle. A ses côtés, sa garde du corps, une policière mandatée par les autorités turques, ne la quitte pas des yeux.
La « fiancée de Khashoggi », telle que la présentent les médias du monde entier depuis deux ans, s’assied au bout d’un canapé. « Je n’étais rien, je n’étais connue de personne et me voici à vous raconter ma vie. » Et même à confier un secret pour la première fois. Jamal Khashoggi, 59 ans, et Hatice Cengiz, alors âgée de 38 ans, n’étaient pas seulement fiancés. Ils s’étaient dit oui religieusement le 16 septembre 2018 en présence de sa famille à elle. Elle ne l’avait jamais dit.
« Au départ, explique un proche, comme ils n’ont pas pu se marier civilement, elle s’est contentée de se faire appeler fiancée. Aujourd’hui, elle se dit qu’il est temps d’assumer avoir été non seulement sa fiancée mais bien son épouse. » Jamal avait apporté la dot, s’était présenté aux parents et au reste de la famille d’Hatice. Le père de la jeune femme avait donné son accord. Ne restait plus qu’à s’épouser civilement. Mais, pour cela, il fallait que le Saoudien prouve qu’il était bien divorcé dans son pays d’origine, la polygamie étant interdite en Turquie. C’est ce document-là qu’il était venu chercher au consulat quand le piège mortel s’est refermé sur lui.
Lui rêvait de faste, d’une fête grandiose, mais elle avait préféré davantage de discrétion : les deux cérémonies seraient toutes simples, quelques amis et la famille. En attendant l’officialisation avec le mariage civil, programmé dans les deux jours qui suivraient la réception du document, le couple emménageait : les livreurs allaient apporter des meubles et le congélateur dans l’appartement que Jamal Khashoggi venait d’acheter dans la vieille ville, près de Sainte-Sophie. Elle raconte à voix basse cette vie à deux brisée avant même de démarrer. « C’est dans cet hôtel que j’ai rencontré Jamal pour la première fois », lâche-t-elle, désignant une salle de conférences au bout du couloir, derrière elle. Elle n’était jamais revenue depuis.
Une famille aisée d’un milieu conservateur
C’était en mai 2018, il pleuvait sur Istanbul. Khashoggi est l’un des invités d’une conférence internationale sur le Moyen-Orient. Hatice Cengiz, doctorante en science politique, est une spécialiste du sujet, à la fois chercheuse et journaliste. Elle parle parfaitement l’arabe et rêve de l’interviewer. « Je le connaissais par ses articles. Je me sentais proche de ses idées, de ses analyses, notamment sur le “printemps arabe”. » A rebours de l’establishment saoudien, Jamal Khashoggi avait soutenu ces mouvements populaires. « Je ressentais beaucoup d’admiration pour son travail, ses idées, ses opinions politiques et son courage », poursuit Hatice Cengiz.
Ils se saluent, papotent à la pause, elle n’en revient pas qu’il s’intéresse à elle, qu’il engage la conversation sur la situation dans le Golfe. La suite ressemble à tant d’histoires d’amour. Il la contacte à nouveau, ils s’écrivent, s’appellent, se revoient. Très vite, ils décident de s’installer à Istanbul et de se marier. Jamal, divorcé, père de quatre enfants, déjà grand-père, travaille aux Etats-Unis. Il fera des allers-retours avec la Turquie. Sa famille à elle est aisée, le père est commerçant. Cinq enfants, deux garçons et trois filles. Un milieu conservateur, mais où l’on encourage tous les enfants, quel que soit leur sexe, à faire des études et à travailler
Ses parents ne voient d’abord pas d’un très bon œil son mariage avec cet étranger, plus âgé que la mère d’Hatice et qui vivra la moitié du temps à Washington. « Mais ils n’ont fait aucune difficulté, se souvient-elle. Jamal était adorable, vraiment adorable. Tout s’est très bien passé quand il les a rencontrés. Mon père nous a simplement souhaité bonne chance. »
De toute façon, en cas de refus, elle serait passée outre. « Hatice est une personne forte, qui ne s’en laisse pas conter », confie Agnès Callamard, rapporteuse spéciale des Nations unies, devenue, au fil de son enquête sur la mort du journaliste, son amie. « A 19 ans, elle est partie apprendre l’arabe en Egypte, elle a vécu à Oman, elle est doctorante, elle se marie avec un homme rencontré quelques mois auparavant, elle n’a pas d’enfants. Toutes les femmes turques ne font pas cela. »
Un amour brutalement interrompu
Quand sa montre connectée s’allume, c’est un selfie qui apparaît sur l’écran : elle et lui. Ils sourient à l’objectif, on devine que c’est lui qui prend la photo. Des images, des mots griffonnés, un collier et des boucles d’oreilles en guise de cadeaux de mariage : seuls subsistent ces quelques objets, ces souvenirs, le son d’une voix conservée sur un message téléphonique. Elle dit justement que c’est sa voix qui lui manque le plus. « C’était quelqu’un de si gentil, de tellement aimable. Il était mon amoureux, mon fiancé, mon conseiller, mon ami, mon frère. »
Elle pourrait raconter pendant des heures le début de leur histoire : comment et où il l’a prise par la main, où telle photo a été prise, où ils ont marché le long du Bosphore, la plaisanterie qu’il a faite. « C’est lui qui a fait le premier pas. Je n’en revenais pas. Tout s’associait parfaitement entre nous, nous parlions la même langue. Il me disait : “Tu es la première femme avec qui je me sens vraiment à l’aise.” C’était unique entre nous, je n’avais jamais connu ça, je commençais une phrase, il la finissait à ma place. Et tout ceci a disparu. »
« Le meurtre d’octobre 2018, suivi du combat inlassable mené par Hatice Cengiz, a révélé son le vrai visage de “MBS”. Où qu’il aille, on voit en lui un meurtrier qui a fait tuer et démembrer Jamal Khashoggi puis disparaître son corps. » Le député Yasin Aktay
Acculées, les autorités saoudiennes ont fini par reconnaître un crime, commandité par un sous-fifre et suivi d’une parodie de procès. Comme les services turcs avaient placé des micros dans le consulat, les dernières minutes de Khashoggi ont été enregistrées. On l’entend demander : « Mais vous allez me tuer ? » Hatice Cengiz, qui a écouté ces enregistrements, ne le dira pas, mais elle a songé plusieurs fois à se suicider, selon un de ses proches. Puis elle a voulu tout savoir. Comprendre. Et se battre.
Mais d’abord continuer à vivre, à Istanbul, sa ville de toujours que la mort de son amoureux lui avait rendu insupportable. Après un an passé à Londres, elle commence doucement à l’apprivoiser à nouveau. « Istanbul veut tout dire pour moi », dit-elle, avant d’ajouter : « J’ai toute cette tristesse, tout ce chagrin en moi. C’est un crime tellement inenvisageable, inimaginable. On me demande souvent si j’ai retrouvé une vie normale. Mais, si ma vie était normale, seriez-vous en face de moi ? Sauriez-vous seulement que j’existe ? Y aurait-il une policière à mes côtés, habiterais-je dans un lieu tenu secret ? Je ne peux même pas vous détailler tous les changements survenus dans ma vie depuis le 2 octobre 2018. »
L’héritière d’un combat difficile
Veuve avant d’être officiellement mariée, Hatice Cengiz, inconnue de tous, est devenue l’héritière officieuse de Jamal Khashoggi. La seule qui puisse l’être : à Riyad, le fils aîné du journaliste a été reçu par le prince Mohammed Ben Salman, alias « MBS », soupçonné d’être le véritable instigateur de l’assassinat. L’héritier de la couronne l’a contraint à un humiliant renoncement public à toute poursuite et expression de sa colère. La gardienne du temple, c’est donc elle. Elle n’avait jamais pris la parole en public ; la voici qui parle avec aisance à Al-Jazira, CNN ou à la télévision suédoise en anglais.
Depuis près de deux ans, le réalisateur américain Bryan Fogel, Oscar, avec Dan Cogan, du meilleur documentaire pour Icare, sur le dopage des athlètes russes, la suit pas à pas. « Je dirais que, au cours de l’année écoulée, elle a énormément grandi. En très peu de temps, elle a appris l’anglais, développé sa compréhension des mentalités à l’Ouest, est devenue une activiste acharnée, une combattante des droits humains, une guerrière qui ne connaît pas la peur et veut la justice. Elle est forte, drôle, intelligente. Je me sens incroyablement privilégié de pouvoir partager et raconter son histoire. »
La voici qui s’exprime devant le Parlement européen, des élus du Congrès à Washington, prend la parole lors d’un hommage à Londres et rêve de créer un jour une Fondation Jamal Khashoggi. « Bien que profondément traumatisée et endeuillée, elle porte cette histoire, ajoute Agnès Callamard. C’est son histoire, son Jamal et elle fera tout ce qui est nécessaire pour le protéger ; pour protéger sa dignité à lui, sa dignité à elle. Elle demeure profondément amoureuse et attachée à Jamal, elle se battra sans cesse pour que la vérité soit faite sur cette monstruosité. » Un combat salué par les associations de défense des droits humains. Pour Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch, « très courageusement, Hatice se bat jour après jour pour nous rappeler que, à la suite de ce crime atroce, la justice n’est pas passée, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire. »
Un grain de sable contre la monarchie saoudienne
Pour autant, il serait injuste de la résumer à ce statut de « fiancée de Khashoggi ». « Elle est bien autre chose, insiste Agnès Callamard. La vie lui a balancé à la figure un drame personnel horrible. Mais elle bâtira sa propre destinée. Hatice est Hatice. » Elle décrit une femme drôle, pince-sans-rire, très directe aussi, qui sait ce qu’elle veut. Son ami le député et universitaire turc Yasin Aktay s’interroge : « Où les gens trouvent-ils la motivation de se battre après un tel choc ? Je ne sais pas. Certains préféreront se retirer du monde. Elle non, jamais. »
Près de deux ans ont passé depuis cet assassinat aux résonances planétaires. Hatice Cengiz assure s’être débarrassée du sentiment de culpabilité qui la torturait. « Je me demandais sans cesse ce qu’il avait ressenti à la fin, quand il avait compris qu’ils allaient le tuer. À quel point a-t-il souffert ? Etait-il en colère contre moi ? Pourquoi l’avais-je laissé entrer seul dans le consulat ? Et si j’y étais allée avec lui ? Et puis j’ai compris que je n’aurais jamais les réponses, en tout cas pas dans ce monde. Et que ma présence n’aurait servi à rien. » Elle dit avoir longtemps ressenti « de la rage, beaucoup de rage », contre la terre entière, ou presque. « Puis j’ai compris que je ne ferai pas grand-chose pour lui armée d’un tel sentiment. »
Elle est donc devenue le grain de sable, le minuscule mais infatigable grain de sable qui enraye la machine et se dresse là où les Saoudiens voudront investir, parfaire leur image, adoucir la réputation du royaume. « C’est ce qui me fait tenir. Je fais ça pour lui, pour que personne n’oublie ce crime. Moi, je ne compte pas, je ne suis pas juste une femme qui a perdu l’homme qu’elle aimait, c’est beaucoup plus grand que cela, c’est son histoire à lui qui compte », affirme-t-elle fièrement.
Hatice Cengiz, à Istanbul, le 13 août 2020. Sabiha Çimen pour M le Magazine du Monde
« Les vrais meurtriers et commanditaires n’ont pas encore été jugés ni condamnés, reconnaît le député Yasin Aktay. Mais, grâce à Hatice Cengiz, ils sont soumis partout dans le monde à une autre forme de sentence, le poids de l’infamie, “MBS” se posait en héros de l’“islam modéré”, en levant, pour les femmes, l’interdiction de conduire, tandis que des milliers de personnes sont arbitrairement arrêtées dans le pays et qu’il mène une guerre horrible au Yémen. Mais le meurtre d’octobre 2018, suivi du combat inlassable mené par Hatice Cengiz, a révélé son vrai visage. Où qu’il aille, on voit en lui un meurtrier qui a fait tuer et démembrer Jamal Khashoggi puis disparaître son corps. »
Le silence de la France
De fait, menacé de procédures judiciaires aux Etats-Unis et en Europe, le prince héritier ne se déplace plus trop ces temps-ci. A l’inverse, sa voix à elle porte de plus en plus. Cet hiver, quand le club de football anglais de Newcastle a failli être racheté par un fonds d’investissement saoudien dirigé par le prince Mohammed Ben Salman, elle a protesté de toutes ses forces. Soutenue par Amnesty International, elle a obtenu gain de cause. Face au scandale à venir, les dirigeants des « Magpies » ont renoncé à la pluie de pétrodollars qui promettait de s’abattre sur le nord de l’Angleterre. Dans un communiqué, elle évoque alors « une victoire pour les droits humains et l’honnêteté, et une défaite claire pour Mohamed Ben Salman et ses efforts pour utiliser le sport afin de blanchir son bilan sur les droits humains ».
« Comment peut-elle vouloir créer une fondation pour la mémoire de Khashoggi et de la liberté d’expression en se taisant à longueur de journée sur ce qui se passe ici ? »
Une militante des droits humains turque
Les responsabilités de l’Etat saoudien dans la mort de Jamal Khashoggi ont été clairement établies, notamment par les enquêtes d’Agnès Callamard pour les Nations unies et de la CIA. Mais, les premiers communiqués demandant à Riyad de faire la lumière sur cette affaire passés, aucun Etat n’a pris de réelles sanctions.
Hatice Cengiz nous fixe droit dans les yeux, avec un petit sourire ironique, glaçant, au coin des lèvres. « Macron, la France, avec votre devise, “Liberté, Égalité, Fraternité”, qu’avez-vous fait ? Rien, tout comme les autres Européens. Vous êtes demeurés silencieux. Mais, à mes yeux, votre silence vaut culpabilité. Vous n’avez rien fait, vous n’avez rien dit et votre neutralité honteuse vous a fait basculer du mauvais côté. » Seule la Turquie, où s’est déroulé le drame, a lancé des poursuites contre vingt Saoudiens, dont deux proches du prince héritier Mohammed Ben Salman. Leur procès s’est ouvert le 3 juillet en l’absence de tous les accusés.
L’épineuse question turque
Hatice Cengiz est-elle reconnaissante envers les autorités turques d’avoir osé s’attaquer au géant du Golfe ? Alors qu’elle est soutenue par plusieurs ONG américaines ou Reporters sans frontières, certaines organisations turques lui reprochent de ne jamais critiquer le président Erdogan, notamment sur la façon dont il pourfend la liberté de la presse. Et l’accusent d’être trop proche du pouvoir, lequel, à coup sûr, l’instrumentalise dans sa rivalité avec l’Arabie saoudite. « Je n’apporte aucun soutien particulier à personne. Mais je remercie Dieu d’être née turque. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire », lance-t-elle.
« Mais comment peut-elle vouloir créer une fondation pour la mémoire de Khashoggi et de la liberté d’expression en se taisant à longueur de journée sur ce qui se passe ici ? », interroge une militante. Erol Önderoğlu, le représentant de Reporters sans frontières en Turquie, fait preuve d’indulgence : « On attend trop d’elle. Or, elle n’était pas prête, pas programmée pour cela. Elle n’avait aucune expérience en matière de droits humains et de prises de position. Et puis les gens ne comprennent pas que sa seule priorité, à l’heure qu’il est, est d’obtenir justice pour Jamal. »
Plus nuancé, un diplomate souhaite qu’elle se montre « dorénavant plus courageuse. Certes, elle vient d’un milieu très conservateur, religieux, traditionaliste et, surtout, elle n’était pas préparée à devenir une porte-parole. Mais, maintenant qu’elle l’est, elle doit grandir. À un moment, elle ne pourra plus tergiverser. » Comme si les Saoudiens, en la privant de son mariage, en assassinant et en faisant disparaître le corps de son époux, l’avaient condamnée à une autre peine : celle de devenir une militante. Elle qui, il y aura deux ans le 2 octobre, n’avait que deux obsessions en tête : réussir le jour de son mariage civil. Et trouver enfin un fauteuil plus confortable pour son époux.
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