Simple et brutal : « Si la libéralisation des visas ne se concrétise pas, nous serons forcés de faire marche arrière sur l’accord sur les réfugiés », vient de menacer le gouvernement turc. C’est dire en clair aux Européens : laissez les Turcs voyager en Europe, faites ce que nous demandons, sinon vous serez envahis de réfugiés syriens et afghans…

Un accord à six milliards

Le parfait chantage, exercé par un Erdogan plus fort que jamais depuis l’échec du putsch… L’Union européenne pensait pourtant avoir trouvé, grâce à la Turquie, la solution miracle à son principal problème : la crise des réfugiés. L’accord, conclu le 18 mars, engageait la Turquie à contenir sur son territoire les centaines de milliers de migrants qui la traversaient vers la Grèce et l’Allemagne ; en contrepartie, l’Union promettait six milliards d’euros, la libre entrée pour les citoyens turcs, et une relance du processus d’adhésion à l’Union pour le pays…

« Inacceptable », dit l’Union

Cela a d’abord bien fonctionné. Les arrivées de migrants ont diminué, malgré les passages par la Méditerranée. Mais quatre mois et un pustch plus tard, le bel édifice menace de s’effondrer, et l’Europe se retrouve démunie face aux nouvelles exigences d’Erdogan.

 

Elle lui avait apporté son soutien contre les putschistes, mais elle a changé de ton devant la brutalité de la reprise en main. « Inacceptable ! » a lancé Federica Mogherini, responsable de la diplomatie européenne. D’où la réplique du président turc : « Occupez-vous de vos affaires ! »

 

Ces polémiques sur l’État de droit retardent d’autant la libéralisation des passeports. La Turquie la souhaite en octobre, le commissaire Günther Öttinger ne la voit pas avant l’année prochaine…

Le test de la peine de mort

L’inquiétude monte sur les conséquences du bras de fer. « Le risque est grand, le succès de cet accord est fragile », reconnaît le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Et aucun dirigeant européen ne peut ignorer que les partisans du Brexit ont gagné en surfant sur la double peur des migrants, et d’une adhésion de la Turquie à l’Union.

 

Le président turc paraît décidé à ne pas reculer. Il montre les dents à l’Allemagne, qui accueille 1,5 million de Turcs, trois millions avec les Allemands d’origine turque. Il s’en prend même aux États-Unis, alors que la Turquie est membre de l’Otan, exigeant qu’ils lui livrent Fethullah Gülen…

 

Erdogan veut-il vraiment la rupture ? Le test pourrait être le rétablissement de la peine de mort. Il s’en est dit partisan, sachant que c’est inacceptable par l’Union européenne. S’il franchit le pas, l’accord sera mort. Et l’Union devra chercher une autre solution pour résoudre la crise des réfugiés – entre autres problèmes.

Francis Brochet