Les faits d’abord…

Un homme et une femme se tienne debout devant le drapeau turc, dans le quartier du journal Cumhuriyet, à Istanbul, le 31 octobre 2016.
Un homme et une femme se tienne debout devant le drapeau turc, dans le quartier du journal Cumhuriyet, à Istanbul, le 31 octobre 2016. © AFP / SEDAT SUNA/EPA

 

Lundi, le rédacteur en chef du grand quotidien turc Cumhuriyet était arrêté en même temps qu’une dizaine de ses collaborateurs dans le cadre d’une enquête pour « activités terroristes ». C’est aussi grotesque, terrifiant, inadmissible que si les directeurs du Monde ou du Figaro étaient arrêtés sous l’accusation de liens avec Daesh, mais ce n’est pas tout.

 

Deux jours plus tôt, les autorités turques annonçaient, par décrets, la fermeture de 15 media de plus, le limogeage de plus de dix mille nouveaux fonctionnaires, la remise en question du statut des recteurs d’Universités qui ne seront plus élus mais nommés par le pouvoir et la fin de la confidentialité des entretiens entre les accusés et leurs avocats.

 

Le même jour, le président Erdogan promettait à une foule de ses partisans en liesse le rétablissement de la peine de mort, qui est effectivement en marche, et tout cela vient s’ajouter aux 35 000 arrestations, aux plusieurs dizaines de milliers de limogeages et aux 170 fermetures d’organes de presse auxquels les autorités avaient déjà procédé depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet dernier. 
 

La Turquie n’a plus rien de la démocratie qu’elle fut. La Turquie devient une pure et simple dictature, celle de son président, Recep Erdogan, qui entend instaurer un pouvoir présidentiel fort et utilise le putsch avorté de cet été pour terrifier les démocrates et briser toute forme d’opposition.

 

On en est là parce que son parti, l’AKP, a commencé de reculer dans les urnes après 14 années de succès électoraux à répétition et que l’intégrité territoriale de la Turquie, surtout, pourrait être menacée par la renaissance d’un indépendantisme kurde qu’encourage l’autonomie prise par les Kurdes d’Irak et de Syrie.

 

C’est un engrenage que rien n’arrêtera avant longtemps et contre lequel ni l’Europe ni les Etats-Unis ne peuvent et ne feront grand-chose puisque les Occidentaux ont besoin de la Turquie pour combattre Daesh en Syrie et freiner les arrivées de réfugiés syriens sur les côtes européennes et qu’ils craignent, de surcroît, que ce pays membre de l’Otan ne puisse se tourner vers la Russie s’ils prenaient de vraies mesures contre son président.

 

Devant cette répression de masse, les démocraties sont très largement impuissantes mais on ne voit maintenant plus comment les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne pourraient se poursuivre bien longtemps. Pour prétendre à rejoindre l’Union, tout pays se doit de respecter les libertés fondamentales et de renoncer à la peine de mort.

 

Ce n’est plus du tout le cas de la Turquie. Ca l’est si peu que le président du Parlement européen, Martin Schulz, vient de déclarer qu’une nouvelle « ligne rouge » avait été franchie par Ankara avec l’arrestation des journalistes de Cumhuriyet. Le Premier ministre turc lui a aussitôt répondu qu’il « s’en fichait ». Libre à lui, mais libre à l’Union d’en tirer les conséquences et le plus tôt sera le mieux.

 

pour écouter l’émission :
https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-02-novembre-2016