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La Tribune, le 25/06/2015
Sarah Belhadi
Pour la première fois depuis 2002, le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan, a perdu la majorité au Parlement lors des élections législatives du 7 juin dernier. En Turquie, ce résultat constitue un tremplin pour que le pays engage des réformes, et accélère le processus d’adhésion à l’UE. (Crédits : Reuters Umit Bektas)
Le 14 avril 1987, la Turquie déposait sa demande d’adhésion à la Communauté Economique Européenne (CEE). Elle attendra 1999 pour obtenir le statut de candidat par le Conseil Européen d’Helsinki. Aujourd’hui, le pays n’a toujours pas vu sa demande aboutir. Son « désir d’Europe » est-il encore d’actualité ?
Voilà presque 30 ans que le dossier d’une Turquie européenne est laissé en suspens. Depuis l’ouverture, le 3 octobre 2005, des négociations d’adhésion, la situation est paralysée en raison notamment de certains points de divergence venant de la France et de l’Allemagne. En avril dernier, pourtant, le président du Parlement européen, Martin Schulz a fait un pas en direction de la Turquie. Les dirigeants turcs lui ont répondu en réitérant leur souhait de voir s’ouvrir un nouveau chapitre dans les négociations d’adhésion.
Las, la Turquie se détourne-t-elle de l’Europe ?
Pour certains observateurs, les résultats des dernières élections législatives -où l’AKP n’est pas parvenu à obtenir la majorité pour la première fois depuis 2002- pourraient favoriser la relancer du dossier turc, à condition que l’Union Européenne fasse preuve de plus d’ouverture, assure l’économiste turc Yusuf Işık : « Les dernières élections législatives offrent un cadre favorable à la Turquie pour qu’elle puisse accélérer ses réformes et aller dans le sens d’une adhésion à l’Union européenne. Ce qui nécessite en même temps une attitude plus positive de certains membres et courants de pensée de l’UE vis-à -vis du processus d’adhésion de la Turquie ».
Les réticences à une intégration de la Turquie au sein de l’Union européenne sont en effet nombreuses : refus de la Turquie de reconnaître la République de Chypre, risque d’un afflux d’immigrés en Europe… Quelques voix anonymes soufflent que de son côté le pays, las d’espérer une intégration dans l’UE, se serait davantage tourné vers l’est. En janvier 2013, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait annoncé que son pays souhaitait demander l’adhésion au « Shanghai Five », qui regroupe la Chine, la Russie mais aussi le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Kirghizie et le Tadjikistan.
Pour sa part, Yusuf Işık, intégrationniste convaincu, assure que cette adhésion serait « bénéfique à la Turquie ainsi qu’à l’UE ».
Le cas grec, au centre des discussions
Cette réticence de la Turquie peut également se nourrir de l’exemple de son voisin, la Grèce, qui est passé du rêve au cauchemar européen. Si la Grèce, depuis son adhésion en janvier 1981 à la CEE (Communauté Economique Européenne), puis son intégration en 2001 à la zone euro deux ans après la création de la monnaie unique, a enregistré une croissance de son économie, en revanche, depuis 2010, le pays connaît une descente aux enfers, laissant craindre aujourd’hui la faillite du pays, en cas d’arrêt de l’aide des bailleurs internationaux (Commission, BCE, FMI).
Si Yusuf Işık estime que la situation en Grèce produit nécessairement des effets pour son pays, il assure que les conséquences sur l’économie turque, en cas de faillite, seraient limitées « car il y a peu de créditeurs turcs dans la dette grecque ».
« Elle est peu exposée à cette crise, ajoute Emre Deliveli, économiste de formation et chroniqueur économique pour le Hurriyet Daily News. « Les deux pays ne sont pas de grands partenaires commerciaux. Quelques banques appartiennent à la Grèce mais elles ne sont pas en difficulté, la Turquie ne devrait donc pas être affectée. En revanche, on peut assister à un énorme mouvement des actifs en Europe, causant une incertitude dans les actifs turcs« , ajoute-t-il.
La méthode de pression sur le gouvernement grec est un échec
Pour autant le sort de la Grèce ne laisse pas indifférent ses voisins : « la Grèce est voisine de la Turquie, alors nécessairement ici les gens compatissent. Mais cette situation était inéluctable car la Grèce vivait au-dessus de ses moyens », justifie Emre Deliveli. Pour autant, la méthode actuelle -de pression sur le gouvernement grec- ne fonctionne pas : « Dans cette situation, les torts sont partagés, la Troïka et la Grèce ont tous les deux à la fois raison et tort. La Grèce a certes besoin de réformes structurelles mais je ne pense pas que l’austérité puisse fonctionner à ce stade. Angela Merkel au même titre que les Grecs en sont conscients ».
Pour le chroniqueur économique turc, l’issue d’une sortie de la Grèce de l’euro serait même dramatique : « Afin d’éviter de créer la panique (dans l’Eurozone), on entend dire qu’une sortie de l’euro sera possible. Mais, en réalité, tout le monde connaît l’issue. Si ce pays sort de l’euro, c’est un coup à la viabilité de cette monnaie qui va être portée. Le risque est que l’on commence à se demander qui sera le suivant : l’Italie, l’Espagne, qui d’autre ? ».
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