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TRT Français, le 10/02/2020
ANALYSE
En Turquie, la France n’a commencé à faire l’actualité que lorsque des voix d’opposition [à la Turquie] se sont élevées de la part de François Hollande et de son successeur, Emmanuel Macron.
La France, on se souviendra, en se plaçant sous la tutelle militaire américaine en Syrie, avait apporté son soutien aux YPG, branche syrienne du groupe terroriste PKK, dissimulée sous l’étiquette des « Kurdes syriens » et des « Forces démocratiques syriennes» (FDS). La France s’est fermement opposée aux opérations antiterroristes de la Turquie, en particulier aux opérations « Rameau d’olivier » et « Source de Paix ». A cette époque, le président François Hollande, aussi bien que son successeur Emmanuel Macron, avaient tenté de dissimuler à la communauté internationale, l’aspect hostile envers la Turquie de cette politique, en dissociant du PKK, les YPG qu’ils considèrent comme des alliés contre Daech.
En réalité, cette séparation PKK/YPG constatée au niveau de l’État français n’avait guère d’importance pour le public, du fait du grand soutien des médias français, notamment du journal Le Monde, qui est le plus lu à l’étranger, pour le PKK. L’animosité envers la Turquie se dissimulait sous celle envers le gouvernement « d’Erdogan ». Pour cette raison, bien que la tentative de coup d’État du 15 juillet contre le pouvoir détesté [par ces leaders français] soit une attaque directe à la démocratie, il n’a pas été condamné par les pays démocratiques comme il aurait dû l’être, notamment par la France, mais à demi-mot. Après un certain temps, après le début des gardes à vue et arrestations des comploteurs du coup d’État, les flèches des critiques se sont orientées vers ce pouvoir « détesté par la France ». Faisant partie des médias internationaux guidés par les États-Unis, les médias français n’ont pas hésité à déclarer les putschistes « victimes », et même à défendre les putschistes jugés. Ainsi, Le Monde a véhiculé le point de vue de Melek Çetinkaya, la mère de Furkan Çetinkaya, condamné pour ses activités au sein de l’organisation terroriste FETO, avec la signature de Marie Jégo et le titre « Lettre d’Istanbul ».
Les positions de la France et des médias mainstream décrites ci-dessus, en raison de leur similarité avec la politique publique de l’administration américaine et de l’État profond américain, n’ont pas été beaucoup discutées au sein de notre opinion publique [en Turquie, ndlr]. Au premier plan, se tenaient nos relations qui se dégradaient progressivement avec les États-Unis, la seule superpuissance mondiale mais aussi un «État qui n’en fait qu’à sa tête » dans le contexte du droit international. La France n’est apparue au premier plan que lorsque des voix d’opposition [à la Turquie] se sont élevées de Hollande et de son successeur, Macron. La France, malgré l’insuffisance de ses forces, poursuit une politique dans notre région, hostile à la Turquie, et similaire à la politique française de la Première Guerre mondiale.
– Main dans la main avec la Grèce en Méditerranée orientale
Après l’opération Source de Paix, à laquelle elle s’est opposée, la France a perdu sa présence militaire dans l’est de l’Euphrate en raison des circonstances, et a même dû renoncer à ses ambitions historiques qui semblaient exister sur la Syrie qui était restée sous son mandat jusqu’en 1946. Mais avec la dissolution du corridor du terrorisme par les opérations turques à sa frontière sud, et dans la continuité géographique de cette région, en Méditerranée orientale, la France, avec la Grèce et l’Autorité chypriote grecque, adopte une attitude visant à restreindre la [zone de] juridiction maritime de la Turquie [soit sa zone économique exclusive (ZEE), ndlr]. Dans ce contexte, la France s’oppose au protocole d’accord signé entre la Turquie et le gouvernement légitime de la Libye, le Gouvernement d’entente nationale (GNA), sur la délimitation des zones de la juridiction maritime des deux pays. Il n’est pas surprenant que la France, qui a joué un rôle majeur dans l’intégration de la Grèce à la CEE en 1981, alors qu’elle n’était pas prête, adopte une politique pro-hellénique, mais il est déraisonnable de soutenir un plan qui exclurait arbitrairement le pays avec le plus long littoral (1577 km) en Méditerranée. cela n’a pas de sens; surtout si l’on prend en compte les importantes relations économiques et commerciales de la France avec la Turquie.
Cependant, le président Macron n’a pas hésité à réitérer le soutien de Paris au Premier ministre grec Mitsotakis, qu’il a accueilli à l’Élysée la semaine dernière. Il a également annoncé qu’un « partenariat stratégique de sécurité » serait établi entre les deux pays, et que la France augmenterait également sensiblement sa présence maritime dans la région [en Méditerranée orientale, ndlr]. Dans un premier temps, il a envoyé le porte-avions français Charles de Gaulle dans la région.
– Accuser la Turquie sur la Libye
La France et la Grèce, comme on le sait, soutiennent le putschiste Khalifa Haftar, qui s’est rebellé contre le GNA malgré l’accord politique libyen et la résolution 2259 du Conseil de sécurité de l’ONU. La principale cause au soutien de la Grèce à Haftar est qu’il a promis de déchirer l’accord signé avec la Turquie, s’il arrive au pouvoir. Toutefois, non seulement pour la Turquie, mais également pour la Libye, cet accord rend obsolète les limitations de leur[s zones respectives de] juridiction maritime. C’est une indication significative de la façon dont un putschiste qui veut le pouvoir est prêt à abandonner les intérêts nationaux de son pays au profit de ceux qui l’aident.
Le président Macron ayant également d’autre motivations pour soutenir Haftar, lors d’une conférence de presse conjointe avec Mitsotakis, a accusé la Turquie de contrevenir aux engagements pris lors de la Conférence de Berlin.
– L’Ouverture de la Turquie à l’Afrique
La France attribue le soutien implicite qu’elle a apporté à Haftar, à l’affirmation que celui-ci aurait mené une guerre efficace contre Al-Qaïda et les organisations terroristes affiliées à Daech, contre lesquelles la France lutte dans la plupart de ses anciennes colonies des pays du Sahel, avec ou sans frontières avec la Libye. Le fait que la France associe [injustement] la Turquie à des organisations « extrémistes » indique peut-être, et il est impossible de le savoir, que l’Élysée cherche à nuire à la politique africaine d’Ankara, dont elle surveille de près son « Ouverture à l’Afrique » et en particulier à ses anciennes colonies de population musulmane, avec 41 ambassades [de la Turquie] en Afrique et les activités intenses de l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) ainsi que [les nombreux vols vers l’Afrique] de Turkish Airlines.
Dans ce sens, le fait que Le Monde ait accordé une large place à la visite d’Erdogan au Sénégal est intéressant. Dans l’article d’analyse signé par Marie Lechapelays, il est souligné qu’Ankara poursuit depuis longtemps une politique active d’ouverture à l’Afrique et que la porte de cette ouverture est le Sénégal. Notant la prise en charge par la Turquie de projets d’infrastructure au Sénégal, tels que la construction du centre de conférence Abdou-Diouf, très important pour le président sénégalais Macky Sall, du Dakar Arena, et de l’Hôtel Radisson à Diamniadio, ainsi que la gestion de l’Aéroport Blaise Diagne, il est souligné, comme le dit le Professeur Oumar Ba, que les valeurs culturelles communes rapprochent les deux pays. Selon Ba, le rapprochement de la Turquie à l’Afrique est aussi, à un certain degré, un résultat de son éloignement de la perspective de [son éventuelle adhésion à] l’Union Européenne.
En somme, il est clairement constaté que la France poursuit une politique hostile relativement importante vis-à-vis de la Turquie qu’elle voit comme un concurrent sérieux en Afrique. Il n’est pas du tout rationnel d’essayer, comme les Etats-Unis et certains pays européens, de maquiller cette politique sous la forme d’une opposition au gouvernement au pouvoir en Turquie. Parce que la vérité est évidente.
[Akın Özçer, diplomate turc retraité, est auteur de « ETA artık yok” (« ETA n’est plus », Décembre 2018), “Çoğul İspanya: Anayasal Sistemi ve Terörle Mücadele Modeli” (« L’Espagne plurielle: Son modèle institutionnel et son modèle de lutte contre le terrorisme », 2006), et de “Euskal Herria: İspanya Siyasi Tarihinde Bask Milliyetçiliği” (« Euskal Herria: Le nationalisme basque dans l’histoire politique espagnole », 1999)
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