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Le Monde, le 05/09/2019
CHRONIQUE
Camille Laurens,
écrivaine
Le journaliste et écrivain turc, sous les barreaux depuis septembre 2016, sait nous faire éprouver physiquement la détention sans raison ni justice qu’il subit tous les jours.
« Je ne reverrai plus le monde. Textes de prison » (Dunyayi bir daha Görmeyecegim), d’Ahmet Altan,
traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes,
Actes Sud, 220 p., 18,50 €.
AHMET ALTAN, LE PASSE MURAILLE
Il existe des phrases que l’on comprend aussitôt, toujours, partout, des écrans de néant où se projette une peur universelle. Par exemple : « Je ne pourrai plus embrasser la femme que j’aime ni étreindre mes enfants », ou bien : « Je ne reverrai plus le monde ». Cette angoissante prédiction a été choisie pour titre du recueil de textes écrits en prison par le journaliste et écrivain turc Ahmet Altan, accusé de complicité dans le putsch manqué de juillet 2016 et condamné à la perpétuité le 16 février 2018.
Mais ce qui nous fait éprouver physiquement la détention sans raison ni justice qu’il subit tous les jours depuis trois ans, ce sont des choses d’apparence plus anodine, des gestes dont nous ne savions même pas qu’ils étaient des privilèges. Ainsi, lorsque Ahmet Altan écrit : « Je n’ouvrirai plus jamais une porte moi-même », nous restons incrédules, avant que cette phrase toute simple ne nous fasse empoigner la sensation charnelle de notre propre liberté. De même quand il constate qu’il n’y a aucun miroir en prison, ce qui lui signifie son effacement d’entre les hommes, il s’adresse à nous, lecteurs, frères humains : « Ce visage que mille fois par jour vous voyez reflété dans le miroir, les vitrines des magasins, les sols brillants, l’écran de votre téléphone (…), vous en avez tellement l’habitude que vous finissez par oublier que c’est un miracle de voir votre visage. »
Si le corps est soumis à de telles épreuves, à peine moins destructrices que la faim, la brutalité, la soif, les forces de résistance viennent de l’esprit. L’« esprit » : ce mot revient sans cesse sous la plume du prisonnier, qui se rappelle Epictète : « Même quand notre corps devient esclave, notre esprit demeure libre. » Alors qu’il est menacé de sombrer « dans une sorte de bouillie humaine sans identité » où il n’est plus qu’un matricule, c’est son esprit qui permet à l’homme sans miroir de « garder la face » et à l’emmuré d’ouvrir des portes pour se mettre hors d’atteinte. L’une d’elles est celle de l’ironie. Ahmet Altan la pousse à deux battants dès le premier matin en proposant une tasse de thé aux policiers venus l’arrêter : « C’est pas un pot-de-vin, vous pouvez en boire » ou, un peu plus tard, en refusant une cigarette : « Merci, je ne fume que quand je suis tendu » – il sourit, et c’est aussi pour nous comme une délivrance.
Pour ne pas être broyé par le « monstre de la réalité », le journaliste et écrivain turc en prison dispose de deux alliées : l’imagination et la littérature
Au fil du temps et des textes, cependant, quoique l’humour reste par éclairs une échappatoire, la dérision ne pèse guère face au « monstre de la réalité ». Pour ne pas en être broyé, l’écrivain dispose de deux alliées : l’imagination et la littérature, qu’il avait déjà célébrées dans une lettre clandestine publiée par Le Monde au moment de son procès, en septembre 2017. La première lui permet d’inventer des vies en brodant sur les récits du bonheur passé que lui font ses codétenus ou de savourer avec eux leur plat préféré – un Adana kebab, une pizza… – en jetant leur nom en l’air, car les mots deviennent nourriture. La puissance du souvenir lui fait revoir et respirer les mimosas tant aimés ou sentir la neige sous ses pas dans sa cellule à la chaleur étouffante. Les rêves de la nuit l’emmènent vers les rives du Danube, entrouvrent les portes dérobées de l’inconscient, des fantasmes accueillent son désir : « Pas un matin je ne me suis éveillé en prison », assure-t-il.
Cette merveilleuse capacité d’oubli est cependant minée par l’insistance du réel. La lâcheté et la bêtise font assaut dès les premiers interrogatoires où lui sont notifiés des chefs d’inculpation incohérents et contradictoires. Le mal – « la vilenie », « la méchanceté pure » – apparaît à l’occasion d’un pseudo-examen médical sous les traits d’une jeune femme pieuse qui traite l’intellectuel athée comme « une sorte de rien ». La perception du temps – bloc, reptile – se modifie jusqu’à l’effroi et le manque des êtres chers est indescriptible. Difficile, alors, de ne pas devenir fou, même si l’envie de lutter persiste, car « il est une chose à laquelle on ne peut pas se préparer : l’absence totale d’espoir ».
Quant à la littérature, ce sont d’abord les souvenirs de lectures dont l’écrivain tire secours. Elles transforment les bureaucrates qui le harcèlent en « petits fonctionnaires de Gogol » ; telle réminiscence de Borgès, Brodsky ou Canetti soulève le couvercle de son « “cercueil”, TIRE LE VERROU DE SA “cage” ». Puis arrive ce bonheur souvent décrit dans les témoignages carcéraux : la possibilité de lire. « Je n’étais pas fini, je n’étais pas abandonné, je n’étais pas perdu./ J’avais un livre. » L’ouvrage de Tolstoï qu’on lui donne a beau ne pas être son meilleur, il accomplit les bienfaits d’une « fée ».
Enfin, et surtout, la porte capitale ouvre cette « pièce invisible où personne ne peut entrer que moi », la chambre d’écriture où il reconquiert sa liberté intérieure en défiant ses bourreaux : « Je sais écrire dans le noir aussi. » Le 5 juillet, la Cour suprême de Turquie a cassé la condamnation à vie d’Ahmet Altan, mais il reste incarcéré. Si son livre de combat témoigne à chaque page du pouvoir passe-muraille de la littérature, il nous tend aussi un miroir où nous pouvons apercevoir le danger qui guette toute société dès lors qu’elle laisse mourir la démocratie.
Lire un extrait sur le site des éditions Actes Sud.
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