Langue de la modernisation de l’Empire ottoman, le français est une langue de culture en Turquie. La francophonie est célébrée durant tout le mois de mars à Istanbul
Le romancier Mathieu Larnaudie, originaire du Sud-Ouest et publié chez Actes Sud, anime pour la seconde fois des ateliers d’écriture avec des élèves turcs. Un travail sur la mémoire est au centre de l’exercice. L’auteur français a demandé aux élèves de retrouver des anciens du lycée pour enregistrer et filmer leurs souvenirs de l’établissement. Les élèves doivent en tirer un texte de création d’une quinzaine de lignes.
Un lycée fondé en 1870
Avec son beau corps de bâtiment classique, son jardin exotique et la silhouette de Saint-Joseph devant l’entrée, ce lycée privé a une longue histoire qui remonte à sa création en 1870, sous l’Empire ottoman, par des religieux français : les Frères des écoles chrétiennes, ou lasalliens. « Ce qui me frappe d’abord dans ces grandes institutions scolaires francophones présentes à Istanbul, c’est leur ancienneté. Elles ont près de 150 ans. Ce sont des lieux d’enseignement mais aussi des lieux de mémoire », explique l’écrivain à Istanbul.Des liens anciens attachent la langue de Molière à la Turquie. On peut d’ailleurs être surpris, en débarquant dans le pays, de constater le nombre de mots de français (environ 5 000) dans la langue turque, de « küafor » à « ambulans », en passant par « abajur » et « doktör ».
« Entretenir un intérêt culturel »
« L’idée est de montrer que la littérature française ne se résume pas à des textes de Victor Hugo ou de Corneille, dans des manuels scolaires. Il s’agit d’entretenir un intérêt culturel et de favoriser l’ouverture sur le monde des élèves. La rencontre avec des auteurs en activité permet de développer l’esprit créatif et critique des jeunes », explique Judith Mayer. Paul Georges, directeur du lycée Saint-Joseph, acquiesce : « Mon envie était de permettre aux élèves d’écrire en français dans un cadre qui ne soit pas purement scolaire, pour bien montrer que la langue qu’ils apprennent est une langue de communication et de culture. »
« Ces institutions francophones vont au-delà de l’éducation linguistique, pour donner une philosophie et des valeurs »
L’épicentre Galatasaray
L’Université de Galatasaray est un autre de ces prestigieux lieux d’enseignement francophones à Istanbul. C’est une université publique turque créée dans le cadre d’un accord intergouvernemental entre la France et la Turquie, en 1992. Son campus, le long du Bosphore, compte 5 000 étudiants, parmi les meilleurs de Turquie. « Galatasaray est un instrument de la diplomatie universitaire, un canal de dialogue privilégié entre la France et la Turquie qui permet de travailler sur le fond, d’amortir les aléas du moment, de croire à la pérennité de nos relations », explique son vice-recteur, le Bordelais Alexis Michel.
 « La langue fait tomber les barrières et nous aide à mieux nous connaître »
Les écoles ambassadrices de la francophonie
L’école française Pierre-Loti, qui suit les programmes de l’Éducation nationale française, est destinée aux enfants des expatriés français mais est ouverte à toutes les nationalités, de la maternelle à la terminale. Les autres établissements sont de droit turc et offrent une partie des cours en français. Parmi eux, le lycée public Galatasaray ainsi que les cinq « saints », ces anciennes écoles religieuses ouvertes du temps de l’Empire ottoman à la demande de la communauté catholique.
Saint-Joseph, Saint-Benoît, Sainte-Pulchérie, Saint-Michel et Notre-Dame-de-Sion ont rapidement acquis une réputation d’excellence, attirant jusqu’aux enfants des notables ottomans. À la création de la République de Turquie, en 1923, ces écoles sont laïcisées, mais conservent leurs valeurs d’origine d’ouverture d’esprit et de tolérance.
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