Une semaine après le coup d’Etat manqué contre le président Recep Tayyip Erdogan, les mesures encadrant l’état d’urgence instauré en Turquie, depuis mercredi 20 juillet, se précisent. Les gardes à vue pourront durer jusqu’à trente jours pour les personnes soupçonnées d’implication dans le putsch manqué du 15 juillet en Turquie, selon un décret paru samedi 23 juillet au Journal officiel.
Jeudi 21 juillet, les autorités turques avaient prévenu que le pays allait temporairement déroger à la Convention européenne des droits de l’homme(CEDH) pendant l’état d’urgence, proclamé la veille par M. Erdogan pour une durée de trois mois.
11 000 gardes à vue
« La durée de la garde à vue ne pourra pas excéder trente jours à compter de l’arrestation du suspect », détaille le décret. La durée légale est de quatre jours. Le ministre de la justice, Bekir Bozdag, avait évoqué vendredi une extension de« sept à huit jours », voire plus dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis jeudi.
Vendredi, s’adressant par téléphone à ses partisans réunis à Sakarya, lM. Erdogan a indiqué que 11 000 personnes avaient été placées en garde à vue depuis l’échec du putsch qui a fait 265 morts, dont 24 putschistes. Selon le ministère de l’intérieur, plus de 4 500 personnes ont été écrouées. La justice turque a, par ailleurs, remis en liberté quelque 1 200 militaires qui avaient été arrêtés, a annoncé samedi 23 juillet un procureur d’Ankara. « Dans cette première étape, environ 1 200 soldats ont été remis en liberté (…), il s’agit uniquement de soldats non gradés », a déclaré le procureur Harun Kodalak dans un communiqué.
25Â 000Â fonctionnaires suspendus
L’entrée en vigueur de l’état d’urgence intervient, alors que la vaste purge déclenchée par M. Erdogan, après l’échec du coup d’Etat militaire, continue à plein régime. Cette purge, menée par le président turc pour museler toutes protestations dans son pays, a surtout frappé l’armée, la justice, l’enseignement et les médias, s’est encore accrue ces derniers jours. Selon un comptage de l’Agence France-Presse (AFP), au moins 25 000 fonctionnaires ont été suspendus ou démis de leurs fonctions dans cette véritable épuration nationale.
Le décret précise les conditions de ce limogeage qui s’applique à tous les fonctionnaires « dont il aura été déterminé qu’ils sont rattachés, membres ou en relation avec des organisations terroristes ou des organisations, structures ou groupes dont il a été décidé qu’ils agissent contre la sécurité nationale ». Ces agents de l’Etat « ne pourront plus être employés dans la fonction publique, ne pourront plus y être affectés de manière directe ou indirecte ».
Des milliers de structures dissoutes
Par ailleurs, le décret dissout plusieurs milliers de structures ou d’institutions, notamment des établissements d’éducation, considérés comme liés au prédicateur en exil Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’avoir ourdi le putsch, ce qu’il nie.
Parmi les organisations fermées par le décret, on compte 1 043 établissements d’enseignement privés, 1 229 associations et fondations, 19 syndicats, fédérations et confédérations et 35 établissements de santé, a précisé l’agence Anatolie.
Selon le décret, « il a été déterminé qu’elles appartiennent ou sont liées à l’organisation terroriste » de Fethullah Gülen « dont il a été prouvé qu’elle constitue une menace pour la sécurité nationale ».
Mandats d’arrêt
Les chancelleries occidentales ont exprimé leur inquiétude face à l’ampleur des purges. Bruxelles se montre notamment de plus en plus préoccupée par le tournant autoritaire que prend la Turquie. La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Federica Mogherini, et le commissaire européen à l’élargissement, Johannes Hahn, se sont exprimés jeudi soir pour faire part de leur« inquiétude » :
« Nous suivons les développements concernant l’état d’urgence que la Turquie a déclaré après la tentative de coup d’Etat, que l’UE a condamné de très près et avec inquiétude. »
L’UE appelle donc une nouvelle fois les autorités turques « à respecter, en toutes circonstances, l’Etat de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris le droit de chacun à un procès équitable ».
Que répond Erdogan ?