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Le Monde, le 28/12/2017
Par Edhem Eldem
(Historien, professeur à l’université de BoÄŸaziçi (Turquie), titulaire de la chaire chaire d’histoire turque et ottomane au Collège de France
Nouveau titulaire de la chaire d’histoire turque et ottomane au Collège de France, occupée jusqu’en 2013 par Gilles Veinstein, Edhem Eldem a prononcé sa leçon inaugurale le 21 décembre, intitulée « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident » et dont « Le Monde » publie de larges extraits.
Il faut se rendre à l’évidence : la Turquie est « cliomane » et « cliopathe », à la fois folle et malade d’histoire, selon deux néologismes dont je revendique la paternité et les droits.
De fait, il faut bien le dire, elle l’a toujours été : « cliomane », par son obsession d’attribuer à l’histoire une mission politique et idéologique vouée à modeler la nation et le citoyen ; « cliopathe », par ses mythes et inventions, mais surtout par ses craintes, ses complexes, ses silences, ses tabous, ses dénis, son négationnisme, révélant un rapport extrêmement malsain, parfois agressif, souvent enfantin, à tout récit qui oserait remettre en question le moindre aspect de la doxa alors en vigueur.
Car, pour rendre les choses encore plus compliquées, cette doxa évolue au gré des tendances politiques et idéologiques, entraînant dans son sillage les manuels scolaires et les médias toujours prêts à plaire.
Admiration, curiosité, émulation
Dans l’intitulé de cette conférence, on me reprochera peut-être d’avoir utilisé la formule « face à  », suggérant une forme d’antagonisme que l’on pourrait penser inspirée par des modèles huntingtoniens (tirés du livre de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations [Odile Jacob, 1997]) ou par une certaine perplexité causée par la distance qui semble aujourd’hui se creuser tous les jours un peu plus entre la Turquie et les versions contemporaines de cet Occident.
Evidemment, on aimerait bien pouvoir parler plutôt de « l’Empire ottoman et l’Occident », voire même de « l’Empire ottoman et le reste de l’Europe » selon la formule qu’un collègue et ami avait proposé pour le titre de son ouvrage devant être publié par une prestigieuse maison d’édition universitaire et qui fut immédiatement rejetée. Toutefois, outre le fait que je pense que trop d’eugénisme et de vœux pieux peuvent facilement nuire à une perception critique de l’histoire, je soutiens que « face à  » évoque bien d’autres dimensions d’interaction au-delà de la simple opposition qu’on pourrait être tenté d’y voir.
« Face à  » évoque aussi l’admiration, la curiosité, l’émulation ; parfois même l’expression peut faire penser à une forme plus passive de spectacle, comme il pourrait au contraire s’agir d’un défi à relever. Quoi qu’il en soit, il paraît évident que les relations entre l’Empire ottoman et l’Occident pendant ce long XIXe siècle sont complexes, ambiguës, variables et qu’aucune épithète seule ne parviendrait à les définir.
Pour les besoins d’une présentation succincte de cette chaire, je m’en tiendrai à une discussion articulée autour des trois périodes déterminantes dans les relations entre l’Empire ottoman et l’Occident. Tout d’abord, celle des premières influences, du XVIIIe siècle aux années 1830, caractérisée par des hésitations et une forme de superficialité de part et d’autre. Suit un engagement beaucoup plus sérieux, notamment à partir de la proclamation en 1839 de l’édit de Gülhane, et dont le point culminant se situe en 1856, date de la promulgation de l’édit des réformes, à l’issue de la guerre de Crimée. Enfin, une troisième et dernière phase, entamée au début des années 1870, marque la fin d’une idylle, alors que s’instaure une rupture de plus en plus profonde entre l’autocratie d’Abdülhamid II et une Europe aux prétentions libérales.
La nouvelle ère des « Tanzimat »
La rébellion grecque des années 1820, suivie de la crise égyptienne des années 1830, portèrent le coup de grâce à l’illusion du maintien des structures de l’Empire à l’aide de quelques réajustements et d’une simple réorientation de sa politique sur la scène internationale. Ce n’est qu’avec le célèbre décret de Gülhane, prononcé le 3 novembre 1839 en présence des principaux cadres de l’Etat, que s’ouvre une nouvelle ère, celle des Tanzimat ou réorganisations, vouées à une modernisation de l’Etat et de ses structures selon des normes occidentales.
Cette notion de civilisation et son application systématique à l’Occident constituent l’une des faiblesses majeures et intrinsèques du processus de transformation envisagé par les élites du XIXe siècle, puisqu’elle les mettait à la merci d’une vision tributaire, presque défaitiste, du monde occidental, éliminant de fait toute vision de modernité en dehors des normes et du modèle qu’il proposait.
Etant donné cet aveuglement ou, plutôt, ce fort strabisme culturel, il ne faut pas s’étonner de ce que les Ottomans finirent par reprendre à leur compte les principes de base de l’orientalisme, soit en pratiquant une forme d’autodénigrement, soit en projetant cette vision négative sur des sections de la population jugée remplir les conditions d’une identité perçue comme orientale, ou au moins plus orientale.
Dès lors que l’élite des Tanzimat reconnaissait l’occidentalisation comme seul remède possible aux maux supposés d’une nature orientale, elle ne pouvait que se soumettre à la logique même de l’orientalisme et de sa vision d’un Orient immuable, incapable de changer sans la poussée de l’Occident. Cette impasse explique que la modernisation ottomane et, plus encore, sa version kémaliste aient pris la forme de projets orientalistes.
Une sincérité surprenante
C’est dans cette optique qu’il faut saisir le contexte du fameux décret des réformes de 1856. Pour une société fondée sur la reconnaissance de la primauté des musulmans, c’était un choc que ceux que la tradition déclarait supérieurs aux autres ne pouvaient encaisser sans réaction. Ce qui rendait ce document problématique, c’était la manière sectaire dont la question de l’égalité des sujets était abordée dans le contexte de l’émancipation des non-musulmans.
Il n’y a guère de mystère : si l’égalité des non-musulmans était tellement présente dans le décret, c’est parce qu’il avait été dicté et imposé par les grandes puissances à l’issue de la guerre de Crimée. Aux yeux de l’Europe, l’Empire ottoman devait corriger le défaut majeur qu’il possédait et qui le rendait en grande partie incompatible avec la logique du monde occidental. En effet, l’Empire et sa classe dirigeante étaient musulmans, une aberration dans un monde ou les populations non blanches, non européennes ou non chrétiennes étaient soumises à la domination de l’Occident.
A défaut de pouvoir corriger cette erreur en colonisant l’Empire dans sa totalité, la meilleure solution était de l’obliger à reconnaître l’égalité des non-musulmans, dans l’espoir et l’attente que ceux-ci finiraient par s’attribuer une part du pouvoir, lançant ainsi un grand pas vers une sorte de « débarbarisation » de l’Orient.
L’Empire joua le jeu avec une sincérité surprenante. S’il est vrai que la grande majorité de la population musulmane refusa ou fit juste semblant de reconnaître cette nouvelle égalité, l’Etat s’engagea dans cette voie avec détermination. La fonction publique et la classe politique s’ouvrirent aux non-musulmans avec un certain enthousiasme qui finit par déteindre sur le reste de la population et par créer un terrain fertile pour l’invention d’une nation ottomane.
L’autocratie instaurée par Abdülhamid II
Cela ne pouvait pas durer, ne serait-ce qu’en raison de la démesure de la tâche, des moyens limités dont disposait l’Etat et de la mauvaise gestion des ressources. La politique européenne y était aussi pour beaucoup, puisque l’objectif premier des grandes et moyennes puissances était de rentabiliser leurs intérêts et investissements sans vraiment se soucier de la réussite des réformes. Beaucoup n’y croyaient même pas, convaincus qu’ils étaient de ce que les jours de l’Empire étaient comptés et que, de toute façon, les bienfaits de la civilisation étaient en grande partie incompatibles avec le caractère et la nature des Orientaux.
Nous arrivons à la troisième phase de mon exposé, couvrant la période la plus « noire » de ce long XIXe siècle, soit l’autocratie instaurée à partir des années 1880 par le sultan Abdülhamid II et qui se prolongea jusqu’à la révolution jeune-turque de 1908. C’est au début des années 1870 que l’on doit situer les premiers signes de la faillite des Tanzimat, dû à l’effet combiné d’un essoufflement économique et financier et d’une dérive politique causée par la disparition des derniers grands noms du mouvement. Cependant, c’est l’année 1876 qui en deviendra le véritable déclencheur ; une année terrible, une annus horribilis sans précédent.
Seul le sultan Abdülhamid parviendra à sortir gagnant du désastre : profitant du chaos causé par la défaite et du désarroi de la classe dirigeante, il suspend la Constitution, dissout les chambres et prépare ainsi le terrain pour la consolidation de son pouvoir personnel. L’autocratie hamidienne s’établira ainsi grâce à un processus qui va à l’encontre des tendances dominantes de la période précédente des Tanzimat.
Partant d’une structure fondée sur une bureaucratie dominée par le grand vizirat, un glissement progressif déplace le centre de gravité du pouvoir vers le palais impérial et, plus particulièrement, la personne du sultan, tandis que les principales institutions du système sont neutralisées, marginalisées ou tout abolies, à l’exception de l’armée et des forces de l’ordre. Le vide ainsi créé est comblé par la création de réseaux personnels et informels qui exercent un pouvoir qui leur est délégué par le sultan lui-même.
Une quatrième vertu
Un réseau d’espionnage et de délation vient renforcer le sentiment d’insécurité et de précarité qui garantit la survie du système. L’Etat hamidien devait désormais assurer sa survie malgré l’Europe et en se reposant sur l’élément musulman, perçu et présenté comme la seule base loyale et légitime d’un Empire forcé à se replier sur lui-même et à se retrancher dans une altérité désormais ouvertement revendiquée.
Ce fut le génie d’Abdülhamid de savoir combiner ce repli avec tous les moyens disponibles de la modernité et avec une puissante construction idéologique qui se nourrissait de cette même modernité. Il réussit ainsi à allonger la durée de vie d’un Empire que l’on donnait pour mort ou mourant quelques années auparavant. Malgré une opinion publique occidentale de plus en plus montée contre lui, les grandes puissances le laissèrent faire, puisqu’il se gardait bien de mettre en péril leurs intérêts et que la perspective du chaos que pourrait provoquer sa disparition paraissait bien plus terrifiante que la violence dont dépendait le maintien de son régime.
De même, il ne fait aucun doute que l’héritage des Tanzimat restera un des points d’orgue de la culture politique turque, notamment pendant la période républicaine. Il faut cependant reprendre cette observation avec un bémol, en insistant sur une des faiblesses intrinsèques de l’héritage des Tanzimat concernant l’un de ses acquis les plus importants, celui de l’égalité des citoyens.
C’est ce qui explique que pendant l’euphorie – de courte durée – qui suivit la révolution de 1908, les Jeunes-Turcs reprirent à leur compte la devise révolutionnaire française de « liberté, égalité, fraternité », mais en y ajoutant une quatrième vertu, la justice, traduction du terme ottoman adalet, décrivant cette notion d’équité si importante dans la pensée politique ottomane.
Sacralisation de l’Etat
C’est ce qui explique aussi qu’une fois les non-musulmans éliminés dans leur grande majorité, le concept d’égalité des Tanzimat fut relégué par la République à une laïcité cosmétique dont l’objectif, loin de reconnaître une égalité de statut aux citoyens non-musulmans, se résumait surtout à écarter et à neutraliser la puissance politique et idéologique de l’islam dont on craignait qu’il fît concurrence à l’idéologie kémaliste.
Ces craintes n’étaient pas sans fondement et, si l’islam restait un puissant ciment social et idéologique, c’était en partie parce que le régime hamidien avait réussi là où les Tanzimat avaient échoué. Certes, l’héritage du règne d’Abdülhamid n’est pas le seul dont le XXe siècle turc se soit enrichi, mais il est sans doute celui qui a de tout temps montré la plus forte tendance à revenir au galop, notamment en temps de crise. Nous lui devons une forme de violence moderne qui tient plus de l’Etat-nation que de l’empire, ainsi que le suggère la nature proto-génocidaire des massacres des Arméniens d’Anatolie orientale en 1894-1896.
Nous lui devons aussi la sacralisation de l’Etat, prémisse indispensable d’une vision qui justifie que sa survie puisse passer avant les droits et libertés individuels. De même, c’est sous ce règne que l’islam, en se modernisant et en s’appropriant une rhétorique à l’image de cette modernité, devint un ferment idéologique puissant, pouvant tour à tour nourrir le nationalisme turc, ou le saper lorsqu’il penchait pour une version jugée par trop laïque.
Enfin, c’est surtout sous Abdülhamid que l’Etat perdit en grande partie l’autonomie institutionnelle et juridique que les élites des Tanzimat avaient tenté d’ériger, ouvrant ainsi la porte à un risque de mainmise par des individus ou des groupes, dès lors que ceux-ci, comme Abdülhamid avant eux, jouissent d’un pouvoir suffisant pour monter à l’assaut et, finalement, conquérir une structure dont la sacralité n’a d’égal que sa malléabilité.
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