Après des mois de brouille, Ankara et Moscou viennent de reprendre leurs relaÂtions. Et l’aile gauche du KremÂlin rêve déjà de détourÂner la Turquie de l’Otan…
Parfois, cela peut être utile quand les partiÂsans ne semblent pas avoir de mémoire imporÂtante à  long terme. Le leader natioÂnaÂliste russe VladiÂmir JiriÂnovski l’inÂcarne sans doute mieux que personne, lui qui défend le brusque chanÂgeÂment de direcÂtion dans la poliÂtique étranÂgère du KremÂlin. En novembre 2015, la Turquie avait abattu un avion de chasse russe près de la fronÂtière syrienne et le KremÂlin avait alors appliqué des sancÂtions et avait laissé le parti de JiriÂnovski s’atÂtaquer à l’amÂbasÂsade de Turquie.
Les maniÂfesÂtants avaient jeté des tomates contre les façades et avaient lancé des pierres dans les fenêtres. À la téléÂviÂsion, JiriÂnovski avait qualiÂfié le président Recep Tayyip ErdoÂgan d’ « Hitler turc ». C’est oublié depuis longÂtemps. Depuis qu’ErÂdoÂgan  s’est excusé, Moscou et Ankara se rapprochent rapiÂdeÂment. Le chef du KremÂlin VladiÂmir Poutine a levé en quelques jours l’interÂdicÂtion des imporÂtaÂtions de marchanÂdises turques. Le tour opéraÂteur TEZ envoie à nouveau des touristes russes à AntaÂlya depuis le 1er Juillet.
En quelques jours, la Turquie est redeÂveÂnue l’une des destiÂnaÂtions de vacances préféÂrées des Russes. Après que l’avion de chasse russe ait été abattu, le KremÂlin avait interÂdit les vols charÂters pour la Turquie. En théoÂrie ce n’était pas en repréÂsailles mais uniqueÂment par « préocÂcuÂpaÂtion pour la sécuÂrité » des touristes russes.
A l’époque, les attaques terroÂristes en Turquie s’acÂcuÂmuÂlaient, récemÂment encore, des dizaines de personnes sont mortes dans une attaque à l’aéroÂport d’IsÂtanÂbul. Mais le KremÂlin a oublié ces problèmes de sécuÂrité. Et JiriÂnovski ? Il compte à nouveau sur la mémoire à long terme de ses partiÂsans. L’avion d’un côté, le « Hitler turc » de l’auÂtre… La Turquie va sans doute bienÂtôt « quitÂter l’OTAN et rejoindre l’union douaÂnière diriÂgée par la Turquie et nous rapproÂcher de la BiéloÂrusÂsie ». Il prédit que cela porteÂrait un coup fatal à l’OcÂciÂdent.
C’est peut-être un peu exagéré. La Turquie et la Russie ont déjà mené douze guerres l’une contre l’autre par le passé, sans compÂter la guerre froide où la Turquie, membre de l’Otan, était oppoÂsée à l’URSS. Les deux pays sont des rivaux régioÂnaux : dans la mer Noire, dans le Caucase, au Moyen-Orient. PourÂtant, les deux pays agissent aujourd’Âhui comme s’ils venaient subiÂteÂment de tomber amouÂreux l’un de l’autre.
La Turquie affaiÂblie
Fin juin, ErdoÂgan et Poutine se sont parlés pendant 40 minutes au téléÂphone, c’était la première fois depuis plus de six mois. Le KremÂlin avait volonÂtaiÂreÂment choisi d’ignoÂrer les appels d’Ankara. Peu de temps après, le ministre turc des Affaires étranÂgères Mevlüt CavuÂsoÂglu s’était rendu dans la ville russe de Sotchi, près de la mer Noire. Il a bavardé avec « ses amis russes » et « son ami Sergueï », c’est-à -dire le ministre russe des Affaires étranÂgères, Sergueï Lavrov.
Les services admiÂnisÂtraÂtifs des deux chefs d’Etats travaillent égaleÂment d’arrache-pied pour trouÂver une date pour une réunion entre ErdoÂgan et Poutine. Cela pourÂrait avoir lieu dans le cadre du sommet du G20, qui aura lieu en Chine au mois de septembre en Chine ou peut-être même plus tôt. Tout semble désorÂmais possibles entre les deux pays.
Le quotiÂdien moscoÂvite « NezaÂvisÂsiÂmaïa Gazeta » affirme avoir appris par des sources diploÂmaÂtiques que les deux pays négoÂcient actuelÂleÂment pour une autoÂriÂsaÂtion du survol du terriÂtoire turc par les avions russes. Cela faciÂliÂteÂrait granÂdeÂment l’approÂviÂsionÂneÂment et le raviÂtailleÂment des bases aériennes russes en Syrie. Jusqu’à mainÂteÂnant, la force aérienne russe devait voler autour de l’espace aérien turc et passer par l’AzerÂbaïdjan et l’Irak.
Le renouÂvelÂleÂment des relaÂtions amicales entre la Russie et la Turquie pourÂrait égaleÂment affecÂter un projet de l’OTAN. La RoumaÂnie avait plaidé pour que l’Alliance déploie de manière permaÂnente des navires de guerre dans la mer Noire. Sans le soutien actif de la Turquie, le projet paraît diffiÂciÂleÂment réaliÂsable.
L’exÂpert dans les relaÂtions entre Moscou et la Turquie, Pawel SchlyÂkow, soupçonne qu’ErÂdoÂgan s’est tourné vers Moscou à cause d’une situaÂtion poliÂtique intéÂrieure tendue. Les opéraÂtions miliÂtaires contre les Kurdes dans l’est du pays et les attaques terroÂristes du groupe Etat islaÂmique ont finaÂleÂment « transÂformé la Turquie a en un pays en guerre », estime ainsi SchlyÂkow.
Plus de 250 personnes ont été tuées dans les 49 attaques qu’a connues la Turquie ces six derniers mois. C’est pourquoi Ankara a doublé ses dépenses miliÂtaires. Face à une telle situaÂtion, tous les soutiens sont les bienÂveÂnus.
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