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Le Figaro, le 02/04/2021
Par Paul Carcenac
Ces derniers jours, à Ankara, le ministre de la Santé Fahrettin Koca est sur tous les fronts. Le nombre d’infections au Covid-19 augmente. Un confinement le week-end et le maintien du couvre-feu ont été annoncés. Pour contrebalancer, le pouvoir turc cherche à donner quelques pistes d’espoir. Cette semaine, il a abondamment communiqué sur les avancées scientifiques nationales en matière de vaccins.
Si en Turquie on injecte aujourd’hui des sérums de l’Américain Pfizer et du chinois Sinovac, les chercheurs «locaux» sont vivement soutenus par l’État. Plusieurs projets sont chapeautés par le Tübitak, l’équivalent du CNRS turc. Deux d’entre eux semblent prometteurs et font l’objet d’un battage médiatique orchestré par le gouvernement.
Le vaccin à «pseudo-particules virales»
Un sérum turc basé sur la technologie des «pseudo-particules virales» est développé à Ankara par un couple de scientifiques : Mayda et Ihsan Gürsel. Le ministre de l’Industrie turc, Mustafa Varank, a salué mercredi «une méthode très innovante». Le sérum vient d’intégrer la liste de l’OMS. Parmi les 84 candidats-vaccin en phase d’essais cliniques recensés par l’organisme mondial, seuls trois autres laboratoires explorent cette technologie : une entreprise canadienne (MedicaGo), une américaine (Vbi Vaccines) et un institut indien. On utilise «un fantôme de la particule virale. Sans rien dedans, elle est totalement vidée de son ARN, décrypte Stéphane Paul, immunologue au CHU de Saint-Etienne. Ces dernières, en s’assemblant, forment une micro-bulle. Quand on l’injecte dans le corps, cela mime vraiment une infection du virus. La structure de la protéine Spike est très similaire», pointe ce membre du conseil scientifique sur les vaccins, joint par Le Figaro. La formule présente bien des avantages contre le Covid-19. D’abord, «c’est très immunogène, il n’y a pas forcément besoin d’adjuvant, indique le médecin. Ensuite, il peut être multivalent, c’est-à -dire qu’il fonctionne face à plusieurs variants avec la même injection. Enfin, il est moins sujet aux effets secondaires que les vaccins à adénovirus. La Turquie indique qu’il sera conçu avec un partenaire industriel non dévoilé, qui pourrait «fournir jusqu’à «50 millions de doses».
Le vaccin en «intranasal»
Le ministre de la Santé turc a dévoilé mercredi les contours d’un autre vaccin contre le Covid-19, qu’il qualifie d’«unique au monde». La dose s’injecte comme un spray nasal contre le rhume. «C’est une approche vraiment très intéressante, reconnaît Stéphane Paul, qui précise que «tous les pays ne maîtrisent pas ça». Vacciner dans le nez offre l’avantage de proposer une immunité rapide localement, pour éviter la transmission nasopharyngée. «Cela nécessite aussi une moindre quantité de vaccin, environ 1/10e de la dose nécessaire en intramusculaire», ajoute le spécialiste. Quand les enfants devront être vaccinés, cela pourra également permettre une plus grande adoption, en évitant la «peur de l’aiguille». À l’heure actuelle, dans le monde, cette technologie comporte pourtant une part de risque si elle est mal maîtrisée. «Elle a toujours été freinée dans son développement clinique car il y a eu des cas de paralysie faciale de Bell. La barrière avec le cerveau est très proche : il peut y avoir un passage du vaccin au niveau encéphalique», met en garde l’immunologue. 250 millions de doses pourraient être produites, rapporte ce vendredi l’agence gouvernementale Anadolu.
«Un don pour l’humanité ?»
Ces projets pourraient permettre d’accélérer la vaccination en Turquie, qui patine quelque peu. Au 1er avril, 10,92% de la population avait reçu au moins une dose. À titre d’exemple, c’est moins que la France (12,53%)… Mais Erdogan a d’autres ambitions pour ses vaccins. Lors d’une réunion de l’ONU en visio-conférence, mardi, le président turc a souligné qu’il mettrait les doses « à la disposition de l’Humanité tout entière, une fois les travaux terminés». Ce qui confirme sa stratégie qui consistait juqu’ici à «établir des ponts diplomatiques entre les pays qui produisent des vaccins et les pays qui ont des problèmes d’accès au vaccin», comme l’a rappelé jeudi le ministre de la Santé lors d’une conférence de presse. Erdogan fustige régulièrement les difficultés d’accès aux doses des pays en développement. «Il veut s’inscrire en leader de pays non alignés, contre les grandes puissances, explique Jean-François Perouse, chercheur et coauteur du livre Erdogan : nouveau père de la Turquie ?. Cette affaire de vaccins, c’est une occasion supplémentaire pour lui d’utiliser cette rhétorique anti-monopoles».
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