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Le Monde le 25/09/2020
Par Louis Imbert , Marie Jégo , Hélène Sallon et Nabil Wakim
DÉCRYPTAGES
Les découvertes de gisements de gaz depuis 2009 ont accentué les tensions entre Chypre, la Grèce et la Turquie, qui ont été très vives pendant l’été. Mais l’exploitation des hydrocarbures a aussi enclenché une discrète coopération entre l’Egypte et Israël
Prenez un lieu tiraillé de tensions militaires, ajoutez-y une forte odeur de gaz : il y a de grandes chances que la situation s’envenime. Il arrive aussi que le pragmatisme l’emporte sur les vieux antagonismes. Dans tous les cas, la présence d’hydrocarbures est susceptible de bouleverser la donne… Les découvertes, depuis 2009, de champs gaziers en Méditerranée orientale auraient pu s’avérer une bénédiction pour ce bassin tourmenté. Les réserves estimées n’y sont-elles pas comparables à celles de la richissime Norvège ? « [Ces] découvertes ont le potentiel de changer l’histoire, écrivait, en 2013, l’ancien secrétaire d’Etat allemand à la défense Friedbert Pflüger, alors directeur du Centre européen pour la sécurité de l’énergie et des ressources (Eucers) au King’s College de Londres. Elles pourraient apporter la prospérité à Israël, à Chypre et à la Turquie, ou plonger la région, déjà en proie au conflit turco-chypriote et à la guerre en Syrie, dans une crise plus profonde encore. »
Le développement de la technologie de forage en eau profonde ou très profonde, allié à la ténacité d’une poignée de compagnies pétro-gazières, a permis d’atteindre ces zones restées jusqu’alors inexplorées. Pour autant, l’exploitation effective – et très coûteuse – de ces gisements reposera surtout sur l’établissement d’équilibres géopolitiques délicats dans cette zone allant de Chypre à l’Egypte, en passant par le Liban, Israël et les territoires palestiniens.
La Méditerranée orientale, une mer de gaz
Les gisements découverts depuis 2009 dans une zone où les frontières n’avaient jusque là pas été clairement délimitées rebattent les cartes des alliances et ravivent des tensions géopolitiques très fortes dans cette partie de la Méditerranée.
Coups de force d’Ankara
C’est le nom de la déesse grecque de l’amour qui fut choisi pour baptiser le gisement de gaz naturel découvert au sud de Chypre, en 2011, par le groupe pétrolier texan Noble Energy. Après « Aphrodite », a surgi l’irrésistible nymphe « Calypso », nom donné à un autre bloc d’exploration foré par le groupe italien ENI, avec le soutien de Total et de l’américain ExxonMobil. Ces champs ont beau être prometteurs, leur exploitation massive n’est pas près de commencer au large de cette île scindée, depuis l’invasion turque de 1974, entre une entité sud, membre de l’Union européenne (UE), et une entité nord reconnue par la seule Turquie. Les esprits optimistes – et les compagnies pétrolières – espéraient pourtant que les perspectives d’enrichissement encourageraient les deux parties à trouver un accord, après l’échec du dernier référendum, en 2004, sur la réunion de l’île.
« La Turquie n’a pas trouvé dans ses eaux de réserves significatives. Alors elle cherche à étendre sa ZEE, dans l’espoir de trouver des hydrocarbures, et à maintenir son influence régionale. »
Alessandro Bacci, consultant chez IHS Markit
Mais c’est l’inverse qui s’est produit, et les tensions ont sérieusement monté d’un cran entre Nicosie et Ankara, qui n’a cessé de multiplier les coups de force visant à empêcher Chypre d’exploiter ces ressources. En 2018, la marine turque bloquait un navire italien d’exploration gazière. L’année suivante, la Turquie annonçait son intention d’explorer au large de l’île, suscitant la désapprobation de l’Union européenne et des Etats-Unis. Le dernier exemple en date, le 10 août, a mené la région au bord de l’embrasement : un navire turc de prospection sismique, le Oruç-Reis, a été envoyé par Ankara sous escorte militaire afin d’explorer les eaux situées dans la zone économique exclusive (ZEE) de la Grèce, au large de l’îlot de Kastellorizo. Athènes a riposté en mettant son armée et sa marine en état d’alerte. La France s’est aussitôt positionnée en faveur de la Grèce et de Chypre, déployant ses navires de guerre et ses avions de combat dans la Méditerranée orientale. Après cet été très tendu, Athènes et Ankara ont fini par annoncer, mardi 22 septembre, une timide reprise du dialogue sur leurs différends maritimes.
La Grèce fait valoir que chacune de ses îles, si petite soit-elle, possède son propre plateau continental (donc sa propre zone économique exclusive), conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, qu’elle a signée en 1982 – contrairement à la Turquie. Ankara estime pour sa part que le plateau continental d’un pays devrait être mesuré proportionnellement à la longueur de sa façade maritime. La position de certaines îles grecques imbriquées dans le littoral turc, à parfois quelques kilomètres seulement de ses côtes, rend ce conflit maritime quasi inextricable.
Quoi qu’il en soit, les champs gaziers n’ont pas été découverts près de la Turquie, mais bien plus au sud, au large de Chypre. « Ankara a pris du retard dans la bataille du gaz, décrypte Alessandro Bacci, consultant chez IHS Markit, un des plus gros cabinets de conseil en gaz et en pétrole. La Turquie n’a pas trouvé dans ses eaux de réserves significatives. Alors elle cherche à étendre sa ZEE, dans l’espoir de trouver des hydrocarbures, et à maintenir son influence régionale. »
Les velléités expansionnistes d’Erdogan
La Turquie avait, du moins avant la tentative de coup d’Etat de 2016 – et la répression qui s’en est suivie –, toutes les cartes en main pour devenir un acteur majeur du gaz dans la région, en centralisant les productions du bassin et en maintenant des relations diplomatiques avec ses voisins. Membre de l’OTAN, le pays a longtemps entretenu des accords de coopération avec Israël, et s’était rapproché de l’Egypte après la chute du président Hosni Moubarak, en 2011. Mais la radicalisation du régime de Recep Tayyip Erdogan et les difficultés économiques du pays ont mis à mal son rôle pivot dans la région. « L’attitude du président Erdogan s’explique par des enjeux de politique régionale, mais aussi par la politique intérieure turque, à un moment où la situation politique est difficile pour lui », note Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste des hydrocarbures. Le président turc utilise souvent la question chypriote – comme par ailleurs le conflit kurde – pour flatter l’électorat nationaliste ainsi que le Parti d’action nationaliste (MHP) d’extrême droite et qui soutient le gouvernement. Une stratégie qui réveille par ailleurs les envolées nationalistes du premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.
Si la confrontation est née du gaz, elle s’est rapidement déplacée sur le terrain géopolitique. M. Erdogan ne cache plus ses ambitions en Méditerranée, convaincu que son pays « est assez fort politiquement, économiquement et militairement pour déchirer les cartes et les documents immoraux », comme il l’a martelé début septembre. La remise en cause du traité de Lausanne de 1923, qui définit les frontières actuelles de la Turquie, est devenue la nouvelle marotte du gouvernement islamo-conservateur. L’autre concept en vogue est la doctrine militaire appelée « Patrie bleue », qui prévoit une souveraineté turque élargie sur un vaste espace maritime comprenant la mer Noire, la mer Egée et la Méditerranée orientale. Selon cette thèse expansionniste, la Grèce est considérée comme un « pays occupant » sur les îles du Dodécanèse, ainsi que sur deux autres îles méditerranéennes.
Maximalistes, les revendications turques ne se limitent plus au partage des ressources, elles englobent désormais le statut des îles grecques, leur démilitarisation et le découpage du plateau continental. « Qui va aller exploiter le gaz chypriote dans un tel contexte ? », fait mine de s’interroger Thierry Bros, professeur associé à Sciences Po, qui souligne que « quand on ne parvient pas à se mettre d’accord sur une frontière terrestre, les frontières maritimes, c’est encore plus compliqué… ». Or Chypre et la Turquie auront besoin de compagnies pétro-gazières prêtes à investir plusieurs milliards de dollars pour construire les infrastructures nécessaires. Le climat actuel est très peu favorable : presque tous les acteurs du secteur ont gelé leurs projets en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, et l’escalade entre la Turquie et la Grèce a de quoi refroidir les ardeurs des investisseurs. Plus généralement, les relations d’Ankara avec la quasi-totalité de ses voisins se sont dégradées. Enfin, le marché mondial du gaz, très concurrentiel, n’a pas besoin, dans l’immédiat, de capacités de production supplémentaires.
EastMed, le gazoduc de la discorde
Pour Nicosie, qui a longtemps espéré pouvoir cueillir les fruits gaziers d’Aphrodite et de Calypso, la situation est tout aussi complexe. Selon le cabinet spécialisé Wood Mackenzie, Chypre ne sera pas en mesure d’exporter du gaz avant – au mieux – 2027. Et encore. A cette fin, l’île doit trouver un moyen d’envoyer son gaz soit vers l’Egypte, soit vers l’Europe. Là encore, Ankara peut jouer un rôle déterminant pour stopper des projets de gazoducs. Le plus avancé d’entre eux s’appelle EastMed. Le futur tracé de ce pipeline, promu par la Grèce, Chypre et Israël, chevauche les zones revendiquées par Ankara. Ce tube de 1 900 km de long a assez peu de chances de voir le jour : d’abord parce que l’Europe ne manque pas de sources d’approvisionnement en gaz et, surtout, parce que sa consommation globale est en baisse. L’UE s’est en outre engagée, en décembre 2019, à atteindre la « neutralité climatique » pour 2050, ce qui implique une réduction encore plus drastique. Dès lors, d’un point de vue économique, l’utilité d’un tel gazoduc est plus que contestable.
« La Turquie a raté une occasion en or. Le chemin le plus évident pour acheminer le gaz de Chypre, du Liban ou d’Israël vers l’Europe, c’est à travers ses terminaux, remarque Oded Eran, ancien ambassadeur d’Israël en Jordanie et chercheur à l’Institut d’études sur la sécurité nationale, à Tel-Aviv. Une telle route aurait fourni une forme de police d’assurance politique entre voisins. L’alternative qui est discutée aujourd’hui – le projet de pipeline vers la Grèce ou l’Italie, à travers un terrain difficile – pourrait ne jamais voir le jour. »
En janvier 2019, les pays de la région créent le Forum du gaz de la Méditerranée orientale, qui ambitionne de gérer le futur marché gazier – une coalition qui compte Chypre, la Grèce, Israël, l’Egypte, l’Italie, la Jordanie et la Palestine. La France demande à y adhérer un an plus tard. Un seul pays majeur manque à l’appel : la Turquie, qui dénonce un outil destiné à menacer ses intérêts.
Article réservé à nos abonnés Lire aussiUn accord turco-libyen de délimitation maritime provoque la colère de la Grèce
Pour tenter de briser son isolement, Ankara a misé sur la Libye, de l’autre côté de la Méditerranée. En échange d’un soutien militaire apporté au gouvernement d’accord national (GAN) de Tripoli contre les forces du maréchal Haftar, le président Erdogan a obtenu de son allié libyen une redéfinition des zones de partage en Méditerranée. Signé le 27 novembre 2019, l’accord maritime élargit les eaux territoriales turques à des zones riches en gisements gaziers, aux dépens de Chypre, de la Grèce et de ses îles qui les revendiquent également, nuisant ainsi aux grands projets énergétiques dans la région – quand bien même sa valeur juridique est nulle en l’absence de ratification par le parlement libyen.
Israël ouvre les vannes
Si l’enjeu gazier a entraîné un durcissement des relations gréco-turques, il est, à l’inverse, devenu un levier de coopération inattendu entre l’Egypte et Israël. Les deux pays sont parvenus, en 2018, à un surprenant accord de livraison de gaz, et leur discrète alliance dans ce domaine ne fait que se renforcer – comme en témoigne leur participation commune au Forum régional du gaz. C’est dans les eaux israéliennes que les premières découvertes ont eu lieu avec, là aussi, des gisements aux noms évocateurs. Le plus important, Léviathan, a été découvert en 2010, et est entré en exploitation en 2019, permettant à l’Etat hébreu de limiter sa dépendance. Ces ressources assurent aujourd’hui les deux tiers de la production d’électricité locale.
En revanche, Israël a perdu du temps pour développer ses installations. Tandis que les découvertes de gisements se sont multipliées ailleurs et que le prix du gaz s’est effondré, il a fallu se rendre à l’évidence : les revenus tirés de Léviathan ont peu de chances de constituer un fonds souverain conséquent pour les générations futures. Le modèle norvégien s’éloigne…
« Peu importe ce que font les Egyptiens avec ce surplus de gaz venu d’Israël. Les deux Etats ont intérêt à cette coopération. »
Oded Eran, ex-ambassadeur d’Israël en Jordanie
Faute de mieux, le pays a cependant su utiliser son gaz pour donner, dès 2013, un minimum de corps à la « paix froide » qu’il entretient avec ses deux voisins immédiats, l’Egypte et la Jordanie, depuis la signature des traités de 1979 et 1994. Début 2020, Israël a ouvert pour la première fois les vannes du grand champ de Léviathan vers ces deux pays qui, à terme, doivent recevoir 85 % de la production – le petit champ de Tamar, plus ancien, suffit pour l’heure à la consommation israélienne.
En dépit de l’opposition qu’a suscitée, en Jordanie, la perspective d’un tel accord et malgré un vote de défiance des députés en janvier, la compagnie nationale d’électricité du royaume hachémite a maintenu son engagement à acheter pour 10 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros) de gaz israélien sur dix ans, via l’exploitant texan Noble Energy. Mais ce contrat, limité en termes de volume de gaz, n’est pas en mesure de financer la poursuite des explorations israéliennes.
L’Egypte en pole position
Quant à l’Egypte, elle n’a pas besoin du gaz israélien pour sa consommation domestique, mais elle dispose des installations nécessaires pour le liquéfier et le réexporter – grâce à des usines coûteuses, qu’Israël n’a pas pu installer. « Peu importe ce que font les Egyptiens avec ce surplus de gaz. Vu les quantités, c’est une goutte d’eau ! Mais les deux Etats ont intérêt à cette coopération », note l’ancien ambassadeur en Jordanie Oded Eran. Depuis 2019, la participation, aux côtés d’Israël, de ses voisins jordanien et égyptien au Forum du gaz de la Méditerranée orientale, a conforté cette logique de rapprochement.
Au Caire, l’accord signé avec Tel-Aviv est loin de faire l’unanimité. Mais sous le règne du maréchal Sissi, la rue égyptienne, très opposée à la normalisation des relations avec le voisin israélien, n’a pas son mot à dire. Si le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avait salué un « accord historique », les autorités égyptiennes ont tout fait pour en minimiser l’importance, le présentant comme un simple accord entre compagnies du secteur privé.
Certes, les échanges gaziers entre l’Egypte et Israël ne sont pas nouveaux. Le Caire a longtemps exporté du gaz vers Tel-Aviv, même dans les périodes de grandes tensions entre les deux pays. La chute du président Hosni Moubarak, à la faveur des manifestations géantes de 2011, puis l’arrivée au pouvoir, quelques mois plus tard, de Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans, avaient mis fin à cette politique. Jusqu’à ce que la découverte d’un nouveau gisement en Méditerranée, en août 2015, par le groupe italien ENI, ne change de nouveau la donne. Avec 850 milliards de mètres cubes annoncés, le bloc de Zhor serait le plus important filon de la région.
Son exploitation, dès 2017, a ouvert des opportunités inespérées pour l’Egypte. « Il s’agit d’un cas unique sur le marché gazier. En une dizaine d’années, le pays est passé d’exportateur net à importateur net, puis de nouveau à exportateur net », analyse Francis Perrin, de l’Iris. Le champ à lui seul représente aujourd’hui environ 40 % de la production de gaz en Egypte. Selon les estimations d’IHS Markit, l’Egypte devrait disposer d’un surplus de gaz jusqu’en 2024-2025, ce qui lui permet d’exporter à travers ses terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) de Damiette et Idku.
Chacun pousse ses avantages
L’accord avec Israël permet de muscler cette logique d’exportation et de placer l’Egypte dans un rôle de hub d’exportation depuis ses terminaux. Le transport de gaz par bateau est plus coûteux que via un gazoduc, mais il est aussi plus souple, capable d’atteindre n’importe quel point du globe. A l’heure où ce marché est très volatil, cela pourrait permettre au Caire d’augmenter ses exportations si le prix du gaz venait à remonter. Un avantage également pour les caciques du régime : selon une enquête du journal en ligne Mada Masr, principal journal indépendant du pays, les premiers actionnaires de la société privée égyptienne East Gas, signataire de l’accord avec Israël, ne seraient autres que les services des renseignements généraux.
Désormais, Israël envisage de pousser son avantage diplomatique à la faveur des accords historiques de normalisation, conclus le 15 septembre à Washington, avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn. Escomptant un effet domino parmi les monarchies du Golfe, Israël peut espérer utiliser, une fois de plus, le gaz comme un pont vers la péninsule arabique. Le géant portuaire émirati DP World a d’ores et déjà pris langue avec une compagnie israélienne pour étudier l’intérêt d’une liaison entre le port de Jebel Ali et celui d’Eilat, en Israël. Ce dernier fut le point de départ d’un pipeline, utilisé avant la révolution islamique iranienne de 1979, pour acheminer du pétrole iranien vers Ashkelon, au sud de Tel-Aviv, en contournant le canal de Suez. Il pourrait offrir aujourd’hui une voie d’acheminement supplémentaire, à la frontière israélo-égyptienne.
Ces projets gaziers, tout comme les stratégies des Etats concernés, font toutefois l’impasse sur l’enjeu majeur des décennies à venir, à savoir la question du réchauffement climatique. L’exploitation massive des ressources gazières de la Méditerranée orientale est incompatible avec la trajectoire de l’accord de Paris de 2015, qui vise à contenir l’élévation de la température globale en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Un accord censé être contraignant, qu’ont pourtant signé tous les pays membres du Forum du gaz…
Louis Imbert Jérusalem, correspondant
Marie Jégo Istanbul, correspondante
Hélène Sallon
Nabil Wakim
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