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Paris Match, le 10/05/2017
Un véhicule militaire dans la province d’Amuda, en Syrie, en avril 2017.  Rodi Said / Reuters
La Turquie a laissé éclater sa colère mercredi contre la décision des Etats-Unis d’armer des milices kurdes en Syrie, celles-ci saluant une initiative « historique » qui leur permettra, d’après eux, de vaincre plus rapidement le groupe Etat islamique (EI).
Ce pic de tension entre Washington et Ankara survient alors que le président américain Donald Trump doit s’entretenir notamment de la Syrie mercredi avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, qui a d’abord été reçu par son homologue Rex Tillerson.
La décision de la Maison Blanche d’autoriser le Pentagone à armer les Unités de protection du peuple kurde (YPG), qu’Ankara considère comme un groupe « terroriste », a été annoncée mardi, à une semaine d’un déplacement du président turc Recep Tayyip Erdogan à Washington.
« Il est hors de question que nous acceptions » la fourniture d’armes aux YPG, a réagi mercredi le Premier ministre turc Binali Yildirim, ajoutant ne pas « concevoir que les Etats-Unis feront un choix entre nos relations stratégiques et une organisation terroriste ».
Malgré l’ire turque, le chef du Pentagone Jim Mattis s’est dit confiant dans la capacité de Washington à « dissiper toutes les inquiétudes » de la Turquie. « Nous allons travailler très étroitement (…) pour soutenir sa sécurité sur la frontière » avec la Syrie, a-t-il dit.
La force locale la plus efficace pour mener l’assaut contre Raqqa
Les YPG sont la principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde considérée par Washington comme la force locale la plus efficace pour mener rapidement l’assaut contre Raqqa, principal fief des jihadistes de l’EI en Syrie, afin de leur porter un coup décisif.
Mais Ankara considère les YPG comme l’extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation séparatiste qui livre une sanglante lutte armée contre Ankara depuis 1984 et est classée « terroriste » par la Turquie et ses alliés occidentaux.
Les FDS, qui ont lancé en novembre une opération pour isoler Raqqa, avec le soutien aérien et logistique de Washington, ont salué mercredi une décision « importante » de la Maison Blanche qui va « accélérer la défaite du terrorisme ».
Les YPG ont pour leur part salué une « décision historique » qui donnera « un élan important » à toutes les forces combattant l’EI.
Ce dossier empoisonne depuis plusieurs mois les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, deux membres importants de l’Otan et de la coalition internationale qui combat les jihadistes, et illustre la complexité du conflit syrien, notamment dans le nord du pays.
« Les YPG et le PKK sont des groupes terroristes, il n’y a aucune différence entre eux. Et chaque arme qui leur parvient représente une menace pour la Turquie », a déclaré mercredi le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.
La décision américaine sonne comme une désillusion pour la Turquie, où l’élection de M. Trump avait suscité l’espoir d’un changement de position vis-à -vis des milices kurdes, que l’administration Obama avait déjà décidé de soutenir pour contrer l’expansion jihadiste.
M. Erdogan a récemment déclaré qu’il espérait écrire une « nouvelle page » des relations turco-américaines avec M. Trump, et indiqué qu’il tenterait, à Washington, de dissuader son homologue américain de s’appuyer sur les milices kurdes pour déloger l’EI de Raqqa.
Offensive terrestre pour repousser l’EI
Le président turc a d’ailleurs envoyé cette semaine à Washington son chef d’état-major, son porte-parole et le patron du Renseignement turc. Ces deux derniers se trouvaient encore aux Etats-Unis au moment de l’annonce de la décision de la Maison Blanche.
Manifestation du rejet des milices kurdes par Ankara, l’aviation turque a bombardé le mois dernier des combattants des YPG dans le nord de la Syrie, faisant plusieurs morts.
Du fait de sa proximité géographique et de ses liens historiques, la Turquie est très impliquée dans le nord de la Syrie, où elle a lancé une offensive terrestre afin de repousser l’EI et d’empêcher la jonction des différentes zones contrôlées par les YPG.
Ankara et Moscou, qui restent opposés en Syrie mais coopèrent de plus en plus, ont parrainé la semaine dernière un mémorandum créant des « zones de désescalade » pour faire baisser la violence en Syrie, où le conflit a fait plus de 320.000 tués depuis 2011.
M. Lavrov devait défendre ce projet lors de son entretien avec M. Tillerson, puis lors de sa rencontre avec M. Trump.
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