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Le Monde, le 15/06/2020
Par Ahmet Altan
En prison depuis le coup d’Etat manqué en Turquie en juillet 2016, le journaliste et écrivain de 70 ans s’adresse, dans une tribune au « Monde », au monde extérieur. Il veut croire que la « cassure historique » provoquée par la pandémie permettra de bouleverser les modes de gouvernance.
[Ecrivain, essayiste et journalise turc de renom, Ahmet Altan, 70 ans, est un cas emblématique de l’acharnement judiciaire des autorités d’Ankara et du président Recep Tayyip Erdogan contre les intellectuels d’opposition. Incarcéré depuis trois ans et demi, remis en liberté sous contrôle judiciaire, le 4 novembre 2019, sur décision de la Cour suprême turque, Ahmet Altan fut à nouveau incarcéré une semaine plus tard après un appel du procureur général. Il avait été condamné en juillet 2019 à dix ans et demi de détention pour « soutien à un groupe terroriste sans en être membre », pour ses liens supposés avec le mouvement du prédicateur Fetullah Gülen, accusé d’être l’organisateur du coup d’Etat manqué du 15 juillet 2016. Un premier verdict de perpétuité aggravée avait été cassé par la Cour suprême. « Vous pouvez m’emprisonner, mais vous ne pouvez pas me garder ici. Comme tous les écrivains, je suis magicien. Je peux traverser vos murs sans mal », écrivait-il dans son dernier livre Je ne reverrai plus le monde (Actes Sud, 2019), recueil de ses lettres de prison.]
Tribune.
En ces jours où tout le monde se retrouve emprisonné chez soi, être vraiment en prison, c’est un peu habiter un aquarium plongé au fond de la mer. A la lecture des quelques journaux de l’avant-veille qu’on a bien voulu nous donner – après nous avoir maintenus vingt-quatre heures « en quarantaine » –, et au vu également des rares bribes d’informations télévisées qu’on nous autorise à regarder, j’ai compris quelle angoisse mortelle s’était emparée de vous.
J’ai 70 ans et je suis en prison. Et en tant que personne qui sait mieux que la plupart d’entre vous ce qu’est vivre sous l’eau et n’attendre plus que la mort, je veux vous dire ceci : ne perdez pas espoir. Nous vivons un moment de cassure historique, comme une faille qui s’ouvre, béante, et fait tout trembler dans son sillage. Cette rupture, pourtant, promet un avenir riche d’espérances.
Le véritable début du XXIe siècle
J’ai conscience de l’atroce épreuve que les gens vivent. Telles des milliards d’antilopes obligées de traverser un fleuve grouillant de crocodiles, nous nous débattons follement en eaux sombres, dans l’espoir de survivre en gagnant, sains et saufs, l’autre rive. Cette image est proprement une vision d’enfer. Mais dans quelques mois, la catastrophe sera derrière nous et l’histoire de l’humanité, mettant le pied sur des terres fertiles, entrera dans une nouvelle ère.
Ainsi va le destin de cette pauvre planète que nous appelons le monde et qui tourne dans le vide à une vitesse de cent mille kilomètres-heure. Il faut, malheureusement, en passer par des catastrophes pour retrouver des jours meilleurs. Celles des guerres et des épidémies peuvent nous aider à progresser.
Les Etats font obstacle au progrès de l’humanité et la propagation spectaculaire de l’épidémie n’est due qu’aux erreurs des Etats
Le désastre actuel, en nous rappelant à quelques réalités trop longtemps ignorées, nous a montré quel doit être le sens de ce progrès. Je crois pour ma part que la fin de cette pandémie marquera le véritable début du XXIe siècle. Et si, jusqu’ici et pour une brève période, toute cette panique laisse plutôt croire à un retour en arrière, cela ne durera pas.
La pandémie nous a montré, avec leur inefficacité, l’inutilité de ces constructions que nous appelons les « Etats ». La structure même de l’Etat, cela s’est vu, est périmée, obsolète. Simplement parce qu’il est contre-nature que perdure un système politique et administratif datant de l’époque des voitures à cheval…
Les Etats font obstacle aux progrès de l’humanité. De fait, la propagation spectaculaire de l’épidémie n’est due qu’aux erreurs des Etats et à la « soif de pouvoir » de leurs dirigeants. Si la Chine n’avait pas menti dès le début et si les autres gouvernants n’avaient pas fait preuve d’autant de négligence et d’indifférence, la catastrophe n’aurait jamais pris une telle ampleur.
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Je crois que, dans un futur pas si lointain, le monde, réalisant la nécessité de cette évolution, se transformera en une fédération de « villes-Etats ». Il faut de telles catastrophes globales pour comprendre que nations, frontières et drapeaux ne font que nuire à l’humanité ; l’épidémie due au coronavirus nous l’aura clairement montré.
Une impasse démocratique
Elle aura également révélé ceci : que l’habileté à gagner des élections et la capacité à gouverner des sociétés sont deux talents bien différents. Deux talents à vrai dire opposés. En général, ceux qui remportent les élections sont ceux qui mentent le plus, qui déploient le plus d’ambition et d’audace. Ceux-là sont incapables de gouverner raisonnablement.
A cette impasse démocratique, il existe une solution : gérer les Etats, ou bien ces villes-Etats que j’appelle de mes vœux, comme des « clubs sportifs ». Dans ce modèle, c’est certes le dirigeant qui choisit le groupe, mais l’équipe proprement dite, elle, est gérée par un staff de professionnels. Un Islandais prépare les matchs de l’équipe nationale d’Angleterre, un Roumain ceux de l’équipe turque, un Allemand ceux de la Corée du Sud. Nous allons entrer, par la force des choses, dans cette époque où les villes et les Etats seront gérés par des « experts techniques » extra-nationaux, selon les termes d’un contrat « annuel ». La pandémie, j’en suis convaincu, ne fera qu’accélérer ce changement.
Cette catastrophe nous aura fait vivre les prémices d’un bouleversement historique. Une fois enfermés chez eux, à leur grand désespoir, les gens ont été contraints d’abandonner leur poste sur la « chaîne de production ». Et tandis que, grâce à Internet, leur apport intellectuel à la production augmentait, leur contribution physique en diminuait d’autant. Oui, on ne travaillera plus avec son corps, au XXIe siècle.
Il faudra inventer un nouveau système économique, telle est l’irrésistible mutation dont la crise nous a obligés à prendre conscience. Car nous découvrons que le désastre « commun » a son origine dans le fait qu’une partie de l’humanité vit dans la misère, sans protection aucune, tandis qu’une autre, ignorant la première, a de l’argent à ne plus savoir qu’en faire. Mais quand on abandonne le petit commerçant chinois, c’est aussi le premier ministre de l’Angleterre qu’on condamne. Et c’est alors qu’on se souvient du fameux cri de guerre des trois mousquetaires : « Un pour tous, tous pour un ! »
Qui est égoïste meurt
La voie est dégagée pour que nous vivions cette grande mutation des mentalités. Protéger l’autre pour se protéger soi-même. Qui est égoïste meurt. La pandémie, en tuant, nous enseigne ceci : on ne se sauve pas si l’on ne sauve pas d’abord le petit commerçant chinois ! Voici le premier stade d’une révolution des consciences qui saura jeter des ponts au-dessus de l’abîme existant entre l’homme – l’individu – et les hommes – l’humanité.
Pour la première fois, peut-être, les hommes, dans un éclair de lucidité inhérent à cette pandémie, réalisent qu’ils appartiennent à un immense flux commun qui s’appelle l’humanité, où les distinctions de pays, de religion, de langue et de race sont insignifiantes et caduques, et qu’ils partagent tous les même peurs et le même désespoir, du batelier cambodgien au président américain, du bourgeois français à l’épicier turc, du noble italien à l’« intouchable » indien. Ce virus ne fait pas que terrasser les vieux comme moi, il met à bas toutes nos vieilles conceptions, croyances, pensées et structures. Ainsi, dans la souffrance, nous parvenons au seuil d’un nouveau monde ou, plus essentiellement, d’une nouvelle forme d’humanité.
C’est dans une cellule de prison, attendant l’assaut foudroyant de ce virus fatal aux gens de mon âge, que j’écris ces lignes
Au milieu du gigantesque traumatisme qui nous frappe, je suis, pour ma part, optimiste. Ce n’est pas d’utopie que je parle. Ni d’optimisme béat. Je parle de choses dont je crois qu’elles se réaliseront, et dont je sais que je ne les verrai pas. Et c’est dans une cellule de prison, attendant l’assaut foudroyant de ce virus fatal aux gens de mon âge, que j’écris ces lignes. Ce n’est pas pour moi que je suis optimiste, c’est pour cette humanité à laquelle j’appartiens.
Un jour du mois de novembre 2019, la direction de la prison nous a offert, avec le plateau du déjeuner, un radis. Mon camarade de cellule a mis le radis dans un gobelet en carton qu’il a ensuite posé sur le rebord de la fenêtre, entre les barreaux. Le radis, là , a commencé à pourrir. Il y a peu, une pousse verte en est sortie. Le bourgeon a grandi. De minuscules fleurs blanches sont apparues. Tous les matins en me levant, j’observe ces fleurs. Et me voilà témoin, ou victime, de ce cliché fabuleux : le radis meurt et renaît à la fois. Un pauvre radis, dans son malheureux trépas, produit de nouvelles fleurs. Comme s’il cherchait, sans perdre espoir, à jeter en mourant un pont vers l’avenir.
Quand vous lirez ces lignes, je serai peut-être malade. Mais quelle importance ? Si même un radis agonisant dans un gobelet sait donner des fleurs, un vieillard emprisonné a le droit d’être optimiste.
Nous ne sommes pas aussi désespérés qu’un radis, non ?
(Traduction de Julien Lapeyre de Cabanes)
Ahmet Altan,
né en 1950 à Ankara, est écrivain et journaliste. Longtemps rédacteur en chef du grand quotidien libéral Milliyet, il a ensuite fondé et dirigé le quotidien Taraf. Il est aussi l’auteur de deux romans traduits en français, Comme une blessure de sabre et L’Amour au temps des révoltes (Actes Sud, 2000 et 2008).
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