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Le Figaro, le 24/01/2018
Par Georges Malbrunot
Depuis samedi, malgré un appui aérien et d’artillerie, les forces envoyées par Ankara n’auraient repris que deux ou trois villages.
Même si la Turquie a adressé aux États-Unis des «signaux contradictoires», selon Washington, sur l’étendue de son offensive militaire dans le nord de la Syrie, l’heure est à la mobilisation chez ses ennemis kurdes. Y compris dans les régions encore épargnées par les bombardements d’Ankara.
Alors qu’à l’ouest, dans le «canton» d’Afrine, cible des frappes turques, les combattants kurdes affichent une résistance opiniâtre, plus à l’est, les autorités du «canton» de Jaziré ont appelé la population à prendre les armes pour défendre Afrine. La «mobilisation générale» vise également les volontaires américains, britanniques, allemands et français qui avaient combattu les djihadistes de Daech, à Raqqa notamment.
«Ils mèneront des batailles contre l’invasion turque», assure Redur Xelil, responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement constituées des miliciens kurdes YPG (Unité de protection du peuple) que la Turquie considère comme une extension du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et une organisation terroriste. Ces volontaires se compteraient par dizaines et auraient déjà manifesté l’envie d’aller défendre Afrine.
Depuis le début de l’offensive samedi, les forces turques et les rebelles syriens pro-Ankara ont, en fait, peu avancé dans la région d’Afrine. «Dès qu’il y a conquête d’un village, il y a automatiquement une contre-offensive des Kurdes qui reprennent le contrôle de ce village», affirme le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Ce fut le cas lundi de la colline stratégique de Barsaya, dans le nord de la région d’Afrine, repassée aux mains des Kurdes quelques heures après sa conquête par les forces turques.
Depuis samedi, malgré un appui aérien et d’artillerie, les troupes turques n’auraient repris que deux ou trois villages aux Kurdes. Au total, plus de 80 combattants kurdes et des groupes rebelles syriens pro-Ankara ont été tués, ainsi que 28 civils, la plupart dans des bombardements turcs, selon l’OSDH. Ankara dément avoir touché des civils.
Le spectre d’affrontements turco-américains
Mercredi, les frappes turques se sont concentrées sur les zones près de la frontière, dans le nord-ouest et le nord-est de la région d’Afrine. «L’objectif est de faire reculer les combattants kurdes et d’ouvrir la voie à une avancée terrestre», selon l’OSDH. Une colonne de chars et des centaines de soldats turcs s’apprêtaient à entrer en Syrie, à partir de la localité frontalière de Kirikhan, dans le sud de la Turquie.
Dans la région de Manbij également, à 100 km à l’ouest d’Afrine, les miliciens kurdes se préparent à affronter les forces turques et leurs alliés anti-Assad. Des forces ont déjà été déployées aux limites de la région. Mais à Manbij, l’équation est encore plus complexe. Contrairement à Afrine, les États-Unis disposent de militaires sur place, en soutien des FDS. Ce qui laisse planer le spectre d’affrontements turco-américains. La présence de troupes américaines – pourtant alliées de la Turquie au sein de l’Otan – n’a pas empêché Ankara de menacer Manbij.
L’offensive turque «pourrait s’étendre à Manbij (….) voire à l’est de l’Euphrate» dans la Jaziré, a affirmé mardi sur France 24 le ministre turc des Affaires étrangères, Mevsut Cavusoglu. Quelques instants auparavant, le premier ministre turc, Binali Yildirim, assurait que «cette opération se poursuivra jusqu’à ce que le dernier terroriste soit éliminé». Mais certaines sources estiment que faute d’avancée en direction de la ville d’Afrine, les Turcs pourraient se retourner vers Manbij.
Jusqu’à maintenant, un accord américano-russe permettait aux Américains d’être à l’est de l’Euphrate et aux Russes à l’ouest vers Afrine, d’où ces derniers se sont retirés juste avant le lancement de l’offensive turque. D’où la frustration kurde à l’égard de leurs alliés russes, accusés d’avoir avalisé l’offensive anti-kurde d’Ankara.
«Nous sommes clairement en état d’alerte, spécialement dans la région de Manbij où nos forces patrouillent depuis un an», reconnaît le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale anti-Daech. Mardi, des dirigeants américains ont mis en garde contre les risques d’une déstabilisation d’une zone relativement épargnée en sept ans de conflit.
Mais le contact entre Ankara et Washington reste établi. Selon certains experts, le ton jusqu’à maintenant relativement modéré des États-Unis vis-à -vis de la Turquie s’expliquerait par leur désir de négocier l’établissement d’une «zone de sécurité» turque d’une trentaine de km en territoire syrien – l’objectif de guerre affiché par Ankara – en échange d’un déploiement de 30.000 garde-frontières kurdes pro-américains dans le Nord syrien, le nouvel objectif des États-Unis en Syrie. «Mais Manbij sera la pierre d’achoppement», reconnaît sur Twitter le chercheur Charles Lister
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